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LIVE REPORT : les résultats 2011 de Carrefour

9h25. Siège de Carrefour, Boulogne, 7 étage. Dans quelques minutes, Lars Olofsson se présente face aux analystes et journalistes pour présenter pour la dernière fois les résultats du groupe qu’il dirige depuis 3 ans. Pas une situation facile, humainement parlant. Même si ça ne se dit pas ainsi, l’homme a quand même été congédié. Voilà en effet plus d’un mois que son remplaçant est annoncé et lui, Lars Olofsson, doit ce matin justifier un bilan qui a justifié son remplacement ! J’ai parfois été dur avec Carrefour en général et LO en particulier. Là, alors qu’il est encore en coulisses, je pense à ce que doit ressentir l’homme. Pas le patron.

IMG_16929h30. Démarrage de la réunion. LO à la tribune. Premiers mots : “Je suis content d’être là, même si c’est la dernière fois que je présente les résultats. J’y reviendrai plus tard“. Pas bête comme stratégie de communication. Crever l’abcès dès le début.

9h40. Passage en revue de l’année. Les grands chiffres, les grands résultats. Sur le ROC qui baisse de 19 %, “performance décevante“. Honnête. Comme il faut quand même trouver des points positifs, au rang des réalisations : “accélération de la stratégie multi-canal“. Là, franchement, c’est un brin survendu. Confier son site non-al à Pixmania et ouvrir une quarantaine de drive (lorsque les concurrents les plus dynamique en affichent 5 fois plus au compteur), c’est de mon point de vue un peu juste pour le vice-champion du monde du retail ! En tous les cas pour être présenté au rang des réalisations majeures de l’année.

9h45. LO passe le témoin à son directeur financier, Pierre-Jean Sivignon. Rappel du CA. 81,2 milliards d’euros. + 0,9 %. En “like for like” (vous ai pas encore dit, mais présentation en anglais), en like for like donc, c’est-à-dire en comparable, le CA baisse de 0,6 %. Evidemment, Dia a été exclu de la base de comparaison.

9h47. Le point sur les gains aux achats. Carrefour avait budgété 225 millions d’euros. Les fournisseurs avaient tremblé. Finalement, ils ont bien résisté… Les gains aux achats n’ont atteint que 58 millions d’euros. Comme quoi, il ne suffit pas qu’un distributeur décrète une amélioration des conditions d’achat pour les obtenir. Ca en rassurera certains.

9h49. Long développement sur les frais généraux. Ils ont progressé nettement plus rapidement que le CA : + 2,8 % vs + 0,9 %. C’est jamais très bon pour un retailer. Du coup, le DAF se fend d’un nouveau slide qui décompose la hausse des frais généraux sur le thème “c’est pas que nous”. Explications donc : fin des allègements Fillon en France, hausse du salaire minimum dans plusieurs pays, etc.

9h52. Focus sur les résultats France. Forcément, pas la meilleure partie à présenter. Donc, baisse de l’EBITDA de 20 %. Le ROC baisse plus encore : – 32,4 %. A demi-mots, on comprend que seuls les hypers sont responsables de la baisse globale de la rentabilité. En effet, supermarchés et services financiers sont salués – sans précision quand même – pour leur résultat. Et comme j’imagine mal que la proximité ne soit pas en croissance, c’est donc que les hypers ont sacrément reculé. A suivre sur ce point précis.

9h56. Heureusement que l’Amérique du sud existe. Le CA progresse de 8,4 %, le ROC progresse de 27,5 %. En fait, c’est, là, la seule source de satisfaction puisque l’Asie est négative : CA certes en hausse de 5,6 % mais ROC en baisse de 10 %. En fait, le point noir est la Chine et, plus spécifiquement, le non-al.

10h00. Les services financiers à l’honneur. Voilà un slide avec tous les indicateurs en hausse. Pas sûr d’en avoir déjà vu un encore. Donc, un peu de détail. Faut savoir se faire du bien ! Le nombre de cartes a progressé de 13,8 à 14,2 millions, l’encours crédit a progressé de 2,1 % et l’activité assurance de 10 %. Et, au final, le ROC de l’activité s’envole de 15 %. Champagne ! Conclusion : Carrefour le banquier est notablement plus performant que Carrefour l’épicier. BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole, tremblez…

10h10. Toujours le DAF au pupitre. Depuis 25 minutes. Comme souvent, le niveau de détail finit toujours par m’ennuyer un peu (là, on en est aux provisions pour litige fiscaux en Espagne !). D’ailleurs, à suivre son regard, LO n’a pas l’air beaucoup plus passionné que moi… Mais les analystes financiers n’en perdent pas une miette, à la virgule près même. A chacun son métier. Perso, j’attends impatiemment l’analyse de Carrefour sur Planet ! Et les circonvolutions de langage pour dire sans le dire que le déploiement est stoppé.

10h15. Dans la marée de chiffres, un point sur les investissements. Ils ont progressé de 1,8 à 2,3 milliards. 500 millions d’euros en plus, c’est pas rien. Pour l’essentiel (369 millions), c’est Planet. Au moins ne pourra-t-on pas reprocher à Carrefour d’avoir été frileux sur les investissements.

10h17. Un coup d’œil à la salle. A vue de nez, une centaine de personnes. C’est 2 à 3 fois moins (toujours à vue de nez) que pour Casino il y a 15 jours. En apparence, Carrefour intéresse moins que Casino. Mais Casino – pas peu fier d’être devenu le “best-in-class” du retail français – invite plus largement que son concurrent. Et puis le p’tit déj au Pavillon Gabriel, à deux pas de l’Elysée, ça a plus de gueule qu’un café/croissant à Boulogne-Billancourt 😉

10h20. Conclusion du DAF avec les grandes lignes financières 2012. Toujours une réduction des coûts et une baisse des stocks (2 jours en moins d’objectif). Côté investissements, l’enveloppe baisse. 400 millions de moins. Sans doute l’effet Planet, mais dans l’autre sens cette fois-ci. Enfin, 3e levier d’économie : la baisse du dividende. Les – pauvres – actionnaires devront se serrer la ceinture. Pour eux, après la baisse de l’action, c’est la double-peine !

10h22. Retour de LO au pupitre. Premier sujet : Planet. D’abord, un point de situation. Fin 2011 : 81 Planet (29 en France, 39 en Espagne, 10 en Belgique, 2 en Italie, 1 en Grèce). “Des résultats contrastés“, résume LO. Les magasins ont certes fait mieux que les hypers non convertis : – 1,4 % vs – 5,4 %. C’est mieux, mais comment se satisfaire d’un recul du CA avec les millions investis ? Je décode vite la stratégie de comm. Reconnaître l’échec de Planet mais, à chaque fois, le compenser aussitôt par un élément positif. Lisez cette phrase de LO. Elle résume bien la stratégie. “On a amélioré l’expérience pour les consommateurs, mais on a pas réussi à créer de la croissance en France et en Espagne“.

10h26. Encore une jolie phrase qui illustre bien la stratégie de com’. “La situation n’a pas empiré, mais il n’y a pas eu de gains non plus“.

10h27. Détail par pays. “En Belgique, les résultats ont été meilleurs que prévus“. + 8,7 % dans les Planet vs + 1 %. Factuel et incontestable. Ca change des commentaires – alambiqués – précédents. Du coup, on se demande si la réussite ou l’échec de Planet est lié au concept lui même ou à ceux qui l’appliquent. Je sais, c’est dur à entendre, mais la question mérite d’être posée. Espagne à présent. Les Planet baissent de 1,3 % (malgré des débits en hausse de 3,1 %) tandis que les magasins non convertis reculent de 7,1 %. De fait, le contexte espagnol a fortement pénalisé le non-al, visiblement plus encore qu’en France. Retour en France. Là, très faible effet Planet : – 3 % vs – 4,6 %. Du coup – et comme il faut bien positiver (…) – LO souligne la “très bonne perception client“. Peut-être. Mais si les clients viennent davantage pour admirer le concept Planet que pour acheter, c’est pas franchement l’objectif.

10h34. L’auto-flagellation : “Nous pensons que globalement – même si les magasins Planet font mieux que les magasins non concervtis — les résultats  sont moins bons qu’attendus“. Vient donc la question du déploiement. “L’environnement nous encourage a être plus disciplinés. Il faut être plus strict“. Réduction du nombre de conversion : 11 seulement en 2012. “Nous allons marquer un petit coup d’arrêt“. Je dirai plutôt un gros coup de frein (à main, même), mais chacun sa vision !

10h37. Focus France avec Noël Prioux qui s’avance. Ah le bateleur. “Bonjour à la France qui est derrière la caméra” (retransmission en magasin). “Bonjour les commerçants“, leur lance-t-il. Y’a pas à dire, le patron se veut attachant ! Sa mission aujourd’hui : faire un point sur le plan RESET.

10h40. Le plan s’articulait en 3 phases : ajuster, reconstruire et accélérer. Côté ajustement, il y a la nouvelle organisation en trois sous-réseaux : petits, grands et très grands hypers. L’objectif : “Ne plus avoir un costume unique pour tous“. J’adore les métaphores de Noël Prioux ! Les métaphores mais le côté direct aussi : “En non-al, on a encore du boulot“.

10h43.Sur Planet en France, on va faire une pause. 3 seulement sont prévus sur l’année. […]. On va encore travailler le concept. En non-al, on a beaucoup de poches d’amélioration“. Lui-aussi a adopté la même stratégie de communication. Aussitôt formulées ces phrases quand même sévères vient le point positif : “Il y a aussi beaucoup de choses qui marchent bien : le marché, le textile, la beauté et beaucoup d’autres“. Pas tant que ça quand même sinon les résultats globaux seraient bien meilleurs.

10h47. Ah, les prix. “C’est le passage obligé. Nous investissons en prix“, assène NP (LO s’en fiche un peu, je le vois textoter !). Noël Prioux évoque la garantie prix lancée récemment mais s’embrouille un peu. “On dit pas qu’on est les moins chers mais que l’on est au prix du moins cher“. Nuance ! Je rappelle que le message client est “Garantie Prix le plus bas”. Ce qui sous-entend quand même d’être le moins cher, mais passons !

10h51. Sur l’évolution de la part de marché. “La baisse des prix a un impact négatif sur les parts de marché à court terme mais ça a un impact positif sur notre image-prix. Et à moyen terme, ça se traduira dans les parts de marché“. Sur le fond, Noël Prioux a raison, évidemment. C’est même la base du commerce ! Mais, sur la forme, c’est un peu du télé-évangélisme : “croyez-moi, ça va finir par payer !” semble implorer le boss France.

10h55. Petit couplet sur le e-commerce. Noël Prioux justifie le partenariat avec Pixmania. Annonce un “lancement plus musclé” sur le premier semestre (en fait, la première vraie campagne de pub). Perso, ça fait quelque temps que je pense que l’une des premières bonnes décisions de Georges Plassat serait de rompre de contrat avec Pixmania pour contraindre Carrefour à s’approprier sa stratégie on-line et non de la sous-traiter à un concurrent ! Je force à peine le trait mais c’est comme si Carrefour avait choisi de développer ses drives avec la collaboration de Leclerc ! Impensable, évidemment.

11h00. LO reprend la parole pour quelques mots de conclusion avant les questions. J’attends le p’tit mot personnel sur sa situation. J’ai peur d’être déçu. L’émotion a rarement sa place dans ce genre d’exercice très formaté, huilé à la seconde près. Mais qui sait…

11h05. C’est à quelques jours près il y a trois ans que je vous ai donné mon diagnostic concernant Carrefour. Ca a été 3 années extraordinaires pour moi. D’abord parce que l’environnement a beaucoup changé. Mais aussi par le travail mené en interne. Nous avons rencontré de grands succès mais aussi connu des déceptions“. Ah, ça sent le mea-culpa à venir.

11h08. En fait, pas vraiment. Sans même citer clairement Planet, ça se limite à : “Nous n’avons pas eu le total bénéfice des actions engagées“. C’est un peu court comme bilan, mais on devra s’en contenter. Puis vint l’évocation du changement de management. Je cite texto : “J’ai pensé que c’était le bon moment de passer le relais. J’ai informé le conseil que je ne souhaitais pas le renouvellement de mon mandant. C’est Georges Plassat qui prend le relais. Je connais Georges très bien, depuis 33 ans. C’est un excellent manager. Il a beaucoup de passion et de convictions. Je lui souhaite le plus grand succès“. Là encore, on se contentera de cette version en suspectant qu’elle ait quand même été sérieusement ripolinée…

11h15. Séquence questions. La première provient d’un analyste. Par principe, dès qu’un analyste entend “baisse de prix” il comprend “baisse de marge”, s’en inquiète et demande donc vite “combien ça va coûter ?”. A chacun ses phobies ! Réponse de LO sur l’intérêt même de cette stratégie initiée par Noël Prioux. Au passage, différence sémantique sur l’ambition commerciale (cf plus haut). Là, pas question d’être simplement “au niveau du moins cher“, mais il s’agit “d’être le moins cher“. Pourquoi j’insiste sur ce point ? Parce que la capacité à formuler clairement une ambition est toujours le meilleur moyen de la faire partager par ceux qui vont être chargés de la mettre en musique.

11h25. Réponse à une question d’une consoeur brésilienne. Le Brésil est désormais le second pays du groupe avec 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est aussi le pays où le e-commerce Carrefour se développe le plus.

11h35. Question sur les parts de marché en France. LO revient sur le choix stratégique de la baisse de prix. Réponse assez drôle au premier niveau, même si elle n’est pas complètement infondée quand même : “Si on ne perdait pas de part de marché, ça ne serait pas normal par rapport à notre stratégie de baisse de prix“.

11h40. J’attends mon tour pour poser une question sur la “légitimité” même de l’hyper en France sur certains marchés où les baisses de CA sont violentes, entre – 10 % et – 15 %. C’est le cas de la culture, du GEM, du PEM, de l’électronique, de l’informatique, etc. Bref, tous ces marchés concurrencés par le on-line. Dit encore plus directement : le “tout sous le même toit”, précisément inventé par Carrefour il y aura 50 ans l’an prochain est-il encore pertinent ?

11h45. Ca y est question posée. LO appelle Noël Prioux qui conteste – c’est de bonne guerre – les chiffres. “Je ne sais pas d’où vous tenez vos chiffres, mais sur le textile nous sommes positifs“. Ca tombe bien, je n’avais pas évoqué le textile. Mais peu importe. Ensuite, vient une série d’explications qui justifient certaines baisses, à commencer par les inondations en Thaïlande pour l’approvisionnement en téléviseurs. C’est pas faux, mais on est quand même loin de l’aspect très stratégique de la question. LO, qui voit le décalage entre question et réponse, tente une réponse plus globale. En gros, c’est précisément pour cette raison que Carrefour a partagé son réseau hypers en 3 en France. Pour adapter plus finement l’offre. Début de réponse. Mais j’attends plus. Je vais avoir (un peu) plus. LO : “Si la question  est de savoir si un magasin plus grand qu’un supermarché a un avenir, je réponds oui“. Puis NP : “Il y aura effectivement des choix stratégiques […]. Sur certains marchés, les ventes vont baisser en magasins. C’est le cas de l’EPCS (électronique, photo, son, etc.). On récupèrera ça sur internet. Et ça permettra de vendre d’autres produits en hypers. Il y a tellement de produits que l’on peut vendre”.

12h00. Ca sent l’écurie ! Une dernière question sur le niveau des pertes en Grèce, un pays économiquement sinistré. On les connaîtra pas. Mais elles existent bel et bien.

5 commentaires

  1. Merci pour cette retransmission live.
    Un point sur l’avenr de l’Hyper: lorsque l’on regarde le TOP 100 des hypers paru dans Linéaires, où la plupart des Auchan sont en progression (parfois mpressionnante) on peut se dire que l’Hyper n’est pas mort… mais que les hypers Carrefour ont bien un problème. Non?

  2. Regardez bien : la plupart des Auchan ne sont pas en progression. Vous avez regardé un classement avec carbu. Hors carbu (j’ai évidemment les chiffres magasin par magasin), 70 % du parc Auchan est négatif.
    Olivier

  3. A Olivier,
    Bonjour,
    Pouvez-vous résumer en quelques mots votre vision de l’hypermarché dans les prochaines années? Une mort certaine?! Quelles alternatives (à part le drive)? ou pouvez-vous me diriger vers l’un de vos nombreux articles sur le sujet?
    D’avance merci

  4. Pour les Hypers Leclerc, Carrefour et Auchan en tete y croient…
    Seul Casino semble plus nuancé…
    Qui aura raison ????

  5. Alors que nous sommes en France, à Boulogne-Billancourt, plus précisément, Carrefour nous présente ses comptes sous l’affiche “2011 Full Year Results”, son directeur financier, Pierre-Jean Sivignon s’exprime en anglais, le tout sous un “Live report” qui ne contient pas moins que 15 anglicismes. Alors, face aux problèmes actuels du groupe Carrefour, une réflexion toute simple m’est venue : à force de vouloir jouer à côté de sa langue, on finit par être à côté de la plaque !

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