Tribune n°28 (avril 2006)
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2006 devait être l’année leclerc. Pour l’heure, c’est l’année carrefour
Le faux-départ de Leclerc
La (semi) liberté des prix, qui devait profiter à Leclerc, fait actuellement le bonheur de Carrefour. De même, le revirement promotionnel de Leclerc étonne.
C’est l’histoire d’un faux-départ…
Ce devait être l’année Leclerc. L’année de la liberté retrouvée grâce à laquelle “on allait voir ce qu’on allait voir”. Pour l’heure, force est de constater… que l’on a rien vu ! Pour l’heure, 2006 est plutôt l’année… Carrefour. En témoignent les dernières livraisons des panélistes qui créditent l’enseigne de la plus forte progression de part de marché (jusqu’à + 0,5 point). Certes, Leclerc demeure confortablement installé au sommet des enseignes françaises, mais il y a loin entre les promesses de 2005 et la réalité de 2006. Sur le prix tout d’abord. Qu’importe que les indices publiés ici ou là (contestés par certains adhérents) ne reflètent qu’une réalité partielle. Les faits sont là et têtus. Carrefour s’est considérablement rapproché de Leclerc sur ce sujet sensible. C’est incontestable. Pis, Carrefour lui a ponctuellement ravi la première place, y compris dans certains des baromètres “officiels”, mais non publics, dont Tribune Grande Conso a eu connaissance.
Leclerc, plus légaliste que Carrefour
Comment Leclerc, maître ès-discount, a-t-il pu ainsi perdre son avance historique ? Simplement en appliquant strictement la loi, car telle était la consigne de Michel-Edouard Leclerc à ses troupes depuis plusieurs mois. Histoire de ne pas saboter la perspective d’un après-Galland. Mauvaise pioche car, dans le même temps, Carrefour, confronté à une perte structurelle de parts de marché, avait fait le choix inverse pour relancer sa propre dynamique commerciale. En clair – et c’est pas le moindre des paradoxes… – Leclerc s’est voulu plus légaliste que son concurrent numéro 1 ! Une posture qui semble aujourd’hui remise en cause, jusque dans l’état-major Leclerc. Depuis la mi-mars en effet, de nombreux magasins “ont remis du prix”, probablement pour préparer une (très) prochaine campagne sur le thème “Le moins cher, c’est Leclerc”.
Au-delà, le mystère sur la stratégie Leclerc sur les premiers mois de 2006 se nourrit également d’un virage promotionnel surprenant. Selon la pige A3 Distrib, Leclerc figure parmi les rares enseignes qui ont levé le pied sur la pression promo en 2006. Plus étonnant, Leclerc a quasiment remisé son outil promotionnel fétiche (le ticket) alors qu’il s’agit de la seule mécanique toujours différenciante. Explications… Sur prospectus, les prix sont globalement identiques entre les enseignes discount : 0,3 % d’écart à produits comparables sur l’ensemble de l’année 2005, à peine plus de 0,4 % sur 2006. Dans le même temps, le taux de redistribution via le système des bons d’achat est similaire d’une enseigne à l’autre, autour de 20 %. Conséquence : seule la part de produits porteurs d’un bon d’achat peut nourrir une différenciation entre enseignes. Précisément le point sur lequel Leclerc a reculé en début d’année avec moins de 15 % de produits porteurs (contre plus de 40 % l’an dernier). Autant d’éléments à charge qui justifient que l’enseigne réajuste rapidement le tir pour toujours espérer que 2006 soit vraiment “l’année Leclerc”. C’est possible. Car l’enseigne dispose d’une arme fatale : son coût outil, probablement toujours le plus faible de la profession.
O. DAUVERS
“Mes très… chers concurrents !”
Pour beaucoup, l’information est quasiment passée inaperçue. Et pourtant… Dans sa dernière livraison, le magazine Linéaires révélait qu’au Mans l’adhérent Leclerc local n’avait pas hésité à convier à un déjeuner de travail les directeurs des hypers Carrefour et Auchan de la capitale sarthoise. Toujours selon Linéaires, il s’agissait, entre la poire et le fromage, de “conclure avec ses deux principaux concurrents la paix des braves”. Une information qui n’a pas étonné jusque dans le mouvement où plusieurs adhérents confirment, indices Opus à l’appui, que le discount n’a jamais été le fort de Leclerc Le Mans. Au-delà de l’anecdote, savoureuse, il faut évidemment voir dans cette initiative une profonde insulte aux lois du commerce et, surtout, aux consommateurs. Dix années d’ère Galland ont manifestement convaincu certains que le commerce était une affaire dont le client pouvait être tenu à l’écart. Faux, naturellement. Et le risque est grand pour ceux qui l’oublieraient. Depuis dix ans, le divorce entre consommateurs et GMS “classiques” ne s’explique pas autrement. Mais le constat est encore insuffisamment partagé.