José Luis Duran-Boucicaut
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EN UN AN, LE PATRON DE CARREFOUR A DELIVRé UNe SINGULIèRE LEçON DE COMMERCE
José Luis Duran-Boucicaut
Les résultats semestriels de Carrefour, publiés hier, illustrent tous les bénéfices d’un retour aux fondamentaux du commerce. José Luis Duran, président du directoire, l’avait annoncé il y a tout juste un an. Les faits lui ont donné raison. Le voilà en digne héritier de Boucicaut.
C’était il y a un an, presque jour pour jour. Invité à s’exprimer devant la presse et les analystes financiers à l’occasion de la publication des résultats semestriels, José Luis Duran, fraîchement nommé à la tête de Carrefour, résumait en une phrase la nouvelle stratégie du groupe : “Notre nouveau modèle économique prend forme, basé sur une croissance durable du chiffre d’affaires, plutôt que sur une expansion des marges commerciales, comme par le passé”. Une véritable leçon de commerce appliqué ! Et, accessoiremment, une sèche remise en cause de l’ère Daniel Bernard. Pour avoir longtemps épaulé “DB”, José Luis Duran avait dû évaluer, in situ, sa stratégie. Brillante sur l’expansion internationale, notamment chinoise, mais à contre-sens de l’Histoire sur l’art du “bien-commercer”, au moins en France. Il y a déjà plus de 150 ans (1), Boucicaut, le génial inventeur du commerce… moderne avait démontré à quel point le résultat d’une enseigne se construit d’abord par son chiffre d’affaires, l’excellence dans la gestion permettant ensuite de bâtir sa rentabilité. Un siècle et demi plus tard, José Luis Duran s’est réapproprié cet héritage fondamental du commerce comme quelques autres avant lui, Edouard Leclerc, Jean-Pierre Le Roch ou encore Gérard Mulliez. Certes, à la différence de ces glorieux aînés, ce “quadra” n’a pas bâti d’empire. Certes, la trace dans l’Histoire est un sillon qui se construit dans le temps, patiemment. Mais José Luis Duran a déjà réussi à remettre d’aplomb un colosse qui chancelait. Pas mal en 18 mois de présidence ! Car c’est bien ainsi qu’il faut lire les résultats du premier semestre 2006 présentés hier par Carrefour, conséquence directe du revirement stratégique annoncé un an plus tôt.
Le retour du discount
“Prix”, “agressivité”, “discount”, voilà des mots qui étaient – presque – tombés en disgrâce chez Carrefour. José Luis Duran leur a (re)donné leurs lettres de noblesse et a démontré que discount et rentabilité ne s’opposaient pas. Bien au contraire ! Sur les six premiers mois de l’année, la marge opérationnelle en France s’est effritée (de 4,56 % à 4,34 %) alors que le résultat opérationnel progressait. Modestement il est vrai : + 1,2 %. Mais, le symbole est là, matérialisant ce vieux théorème, si cher à Boucicaut : vendre moins cher, pour gagner plus.
L’idée n’est pas nouvelle, même chez Carrefour. En 1963, les fondateurs du groupe, Marcel Fournier et les frères Defforey, n’avaient pas procédé autrement, bousculant au passage leur banquier, fort inquiet devant un modèle économique érigeant le discount en point cardinal d’une stratégie ! Mais comme souvent, le temps avait eu raison des héritages. Surtout quand ils peuvent apparaître contradictoires avec l’intérêt à court terme d’actionnaires exigeants. José Luis Duran a eu cette chance de pouvoir rebâtir sans tabou un projet volontariste. Probablement servi par la part de marché moribonde de l’enseigne lorsqu’il en a pris les commandes. Depuis, les clignotants repassent au vert les uns après les autres. Mais, là encore, l’histoire du commerce est riche d’enseignements… Les vieux démons guettent toujours. A commencer par le relâchement. L’éviter sera le prochain défi de José Luis Duran.
Olivier DAUVERS
(1) Cf. La Saga du commerce français, de Frédéric Carluer-Lossouarn et Olivier Dauvers (disponible sur le site).
(2) Cf. Résultats 1er semestre et présentation stratégie Carrefour en pdf téléchargeable ci-dessous.