Réunion à l’Elysée ce lundi sur – c’est l’ordre du jour officiel – « les relations commerciales au sein des filières agricoles ». Une belle photo de famille en perspective avec syndicalistes agricoles, industriels agro-alimentaires et distributeurs. La conclusion de la réunion, elle, est déjà écrite. Le Président de la République, dont l’objectif est d’abord de montrer qu’il s’intéresse au problème, va soumettre aux enseignes un « accord de réduction des marges ». Le magazine Challenges croit même en connaître la mécanique. « Les distributeurs s’engageraient à limiter leur marge nette entre 0 et 2 % sur les fruits et légumes en crise. C’est-à-dire lorsque les prix à l’achat aux producteurs sont inférieurs de 25 % à la moyenne sur cinq ans. Par décret, un prix minimum à l’achat et un prix maximum à la vente pourront être définis, ainsi qu’un volume de commande ». En plus court, voilà une nouvelle usine à gaz dont on peut déjà prédire l’issue funeste. Comme d’ailleurs l’avait été le double-affichage il y a quelques années. Qu’on s’entende bien, le problème est réel : le revenu agricole est aujourd’hui insuffisant (encore – 32 % en 2009) pour assurer la pérénnité de ce secteur économique pourtant si stratégique pour l’avenir d’un pays. Mais l’obstination avec laquelle le politique oppose amont et aval des filières comme s’il n’avait qu’un rôle d’arbitre est insupportable. Parce qu’avant d’être un arbitre, la puissance publique est d’abord un coupable. Coupable de non-assistance à paysans en danger. Les enseignes ne sont certes pas des oies blanches, mais elles agissent selon un cadre défini. Et dans ce cadre, il y a notamment des distorsions de concurrence entre pays européens (sur les trois plan fiscaux, sociaux et environnementaux) et des accords d’importation. Dernier exemple en date : les 50 000 tomates marocaines supplémentaires accordées qui déstabiliseront un peu plus les producteurs Français (voir Tribune Grande Conso n°78). Et, en l’espèce, Carrefour, Auchan ou Système U ne s’interdiront évidemment pas de faire jouer cette nouvelle concurrence.
S’il y a une vraie grande gueule, ce lundi à l’Elysée, qu’elle se lève et interpelle le Président de la République sur la propre responsabilité de l’Etat, qu’elle l’interroge par exemple sur la déstabilisation à venir du marché de la tomate par le contre-coup d’une décision politique et qu’elle refuse de signer l’accord de modération des marges sans qu’au préalable le Ministère de l’Agriculture ne reconnaisse publiquement qu’il doit balayer devant sa porte avant de faire le ménage chez Carrefour ou Leclerc. Voilà qui serait grand. Risqué, sans doute. Mais tellement sain.
PS : pour tout vous dire, j’ai aimablement provoqué quelques participants à la réunion en fin de semaine dernière sur le thème « Chiche »… Pas un n’a jugé pareil esclandre réaliste. Mais l’Elysée est-il le palais d’un roi incontestable ou la maison commune ? Du courage, merde !
Je VEUX cet article en couv du Figaro ou du monde. Félicitations M. Dauvers!
C’est très gentil, j’appelle Etienne Mougeotte de ce pas. Mais suis pas bien sûr qu’il l’apprécie…
Olivier
Oui très bon !