Samedi matin, l’occasion de traiter les dossiers importants de la semaine mais qui n’étaient pas urgents ! Parmi ceux-ci, l’étude que mène actuellement le Crédoc pour le compte du Ministère de l’Economie. Son thème : le commerce en 2020. Le Crédoc interroge actuellement nombre de dirigeants d’enseignes et – visiblement – quelques observateurs dont je fais partie. L’estime que je porte au directeur de cette étude, Philippe Moati (un passionné du commerce comme moi, mais avec lequel nos désaccords de vision sont ponctuellement profonds, ce qui nourrit de vrais bons échanges, y compris parfois publics (1)), m’a donc motivé pour consacrer le temps nécessaire à répondre aux nombreuses questions posées. Je reproduis donc ici deux de ces questions et les deux réponses (résumées) parce qu’elles me sont souvent posées par ailleurs, et notamment via ce blog.
Question 5 : En quoi le commerce de détail dans dix ans se distinguera-t-il de manière significative du commerce d’aujourd’hui ?
Le e-commerce a déjà cassé et cassera plus encore la structure du coût de distribution sur une large frange du non-alimentaire : les produits dématérialisables et ceux dont le rapport poids/prix est tel que le surcoût logistique d’une vente à distance est marginal sur le coût du produit lui-même. Et l’histoire du commerce nous montre qu’à chaque période où un nouvel entrant a réussi à casser la structure de coût, se produit alors un bouleversement notable dans les formes de vente qui étaient alors en place. Pour ne pas dire leur quasi-disparition.
Sur l’alimentaire, le retour à une relative liberté dans la fixation des prix conduit à remettre tout en haut du tableau stratégique le coût-outil et les conditions d’achat. Ce qui induira forcément une nouvelle (et probablement dernière) phase de consolidation qui figera le paysage autour de 4 ou 5 acteurs et non pas 6 ou 7 comme aujourd’hui. Ce qui laisse donc entrevoir quelques gigantesques manœuvres…
Question 26 : Sur un plan plus qualitatif, comment le hard-discount est-il amené à évoluer au cours des dix prochaines années ?
Il deviendra un supermarché comme un autre. Dans 10 ans, au rythme d’évolution actuel, Lidl sera un supermarché classique. Autre illustration, déjà visible aujourd’hui : avec le nouveau concept Leader Price et l’arrivée des marques nationales, qu’est-ce qui le différencie vraiment d’un Franprix avec ses “1 000 produits Leader Price” (c’est même écrit sur la façade des magasins) ? Dans dix ans (ou 15 ans, ou 20 ans, peu importe l’échéance précise, je ne suis pas Madame Soleil ;-)), le hard-discount se sera tellement ramolli que le terreau sera fertile (ou la porte suffisamment ouverte, c’est vous qui choisissez la métaphore !) pour un “nouvel hard-discount”. Là aussi, c’est l’histoire du commerce qui l’enseigne (2). Songez par exemple qu’à ses débuts, dans les années 1930’s, Monoprix était ni plus ni moins que le Lidl de l’époque. L’histoire du commerce est un éternel recommencement !
NB (1) : je retrouverai d’ailleurs avec plaisir Philippe Moati pour l’ouverture de la seconde journées des Journées Annuelles de l’IFM (22-24 novembre, Paris La Défense).
NB (2) : pour les plus curieux, j’ai “commis” en 2004 avec Frédéric Carluer-Lossouarn, journaliste à Linéaires, un ouvrage intitulé La Saga du commerce français. Une publicité complètement désintéressée puisque l’ouvrage est épuisé mais (et je le dis notamment pour quelques étudiants qui se passionneraient pour le sujet) disponible dans toutes les bonnes bibliothèques universitaires.