LES FAITS. Lundi prochain, Lars Olofsson va officiellement céder les commandes opérationnelles de Carrefour à Georges Plassat. Il en demeurera néanmoins le président jusqu’à la prochaine assemblée générale, le 18 juin.
Voilà, c’est donc (bientôt) la quille. Lundi prochain, Georges Plassat prendra le pouvoir chez Carrefour. Mais votre mandat de président ne s’achèvera que le 18 juin, date à laquelle (si tout se passe comme vos actionnaires l’ont imaginé), Georges Plassat sera nommé PDG. A dire vrai, je ne sais si l’extrême «douceur» de votre départ était une dernière revendication ou un savant calcul de vos actionnaires. Ou… les deux ! Vous y gagnez en effet une sortie honorable (je relis le communiqué officiel : «Lars Olofsson a fait part au Conseil d’Administration de son souhait de ne pas demander le renouvellement de son mandat et ainsi que de ses fonctions de Président Directeur Général lors de la prochaine Assemblée Générale de Carrefour qui se tiendra le 18 juin 2012»). En parallèle, vos actionnaires évitent de se déjuger trop brutalement comme ils avaient eu à le faire pour José Luis Duran. Et ils s’épargnent une probable polémique sur ce qu’il est convenu d’appeler vos «conditions de départ». En pleine campagne présidentielle, ne pas sortir du chapeau votre future retraite est sans doute bien vu pour l’image – déjà écornée – du groupe. Sans compter le téléscopage avec l’actuelle relance commerciale…
Inconstance commerciale
Arrive donc, cher Lars, l’heure du bilan. Actionnaires et analystes financiers ont déjà fait le leur. Tranché, comme toujours. Carrefour est tout aussi fragile – et faiblement valorisé – en 2012 qu’en 2009. Pour autant, l’idée que le bilan d’un patron s’arrête aux marches de la bourse m’a toujours paru court d’esprit. C’est évidemment un brin plus subtil. Tenez, par exemple, je vous ai trouvé fort audacieux de mettre le nez dans le back-office de Carrefour («l’usine à gaz» souvent raillée par les fournisseurs). J’ai adoré (si, si) le programme d’auto-destruction de valeur mené avec Carrefour Discount. Même si vous n’en avez pas la paternité, vous l’avez laissé cheminer et contribué à dégonfler l’énorme poche de survaleur qui entoure trop de MDD. Pour autant, vous n’avez pas su enrayer l’inconstance commerciale de Carrefour. Pire, vous l’avez cultivée. En 2010, vous lancez à grand fracas PromoLibre. «Une révolution dans la promotion» assurait Carrefour. Un an plus tard, alors que PromoLibre disparait gentiment, place à Yap Yap. Une nouvelle «révolution». Deux révolutions en douze mois, forcément ça donne le tournis. D’autant que l’inconstance promotionnelle succède à… l’inconstance tarifaire. A cet égard, 2011 restera comme un sacré millésime : hausse unilatérale des prix au 1er mars, baisse annoncée en juillet puis, en fin d’année, préparation de l’ambitieuse Garantie Prix qui vise à placer Carrefour au niveau de Leclerc (sachant qu’il y aura eu jusqu’à 4 points d’écart sous votre mandat…).
Planet : le mérite d’avoir tenté
Vient ensuite votre «grande affaire» : Planet. Et, quitte à surprendre, j’en défendrais presque votre bilan. Oh !, certes, annoncer «le gel du déploiement» a dû vous coûter. Car vous avez littéralement porté Planet, vendu Planet et même survendu Planet. Il faut se souvenir de ce 16 septembre 2010 à Lyon où les superlatifs manquaient à votre état-major… Au-delà, vous avez eu le mérite de diagnostiquer le mal de l’hyper (sa moindre attractivité dans le contexte commercial contemporain) et d’imaginer une nouvelle proposition de valeur (votre passé de grand industriel sans doute !), faite d’une expérience d’achat enrichie. A l’évidence, la réponse n’était pas la bonne. Mais, au moins, aurez-vous contribué à la R&D sur le futur de l’hyper ! Et, au moins pour ça, vous laissez de précieux enseignements à Georges Plassat qui, dès lors, serait fort discourtois de ne pas vous en remercier.
Olivier Dauvers
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J’ajouterais bien un point concernant la cession de Dia. Certes il s’agissait d’un choix dicté par les actionnaires Colony et Arnault mais José Luis Duran avait compris qu’il s’agissait d’une erreur erreur stratégique majeure et y a laissé son poste en refusant la séparation d’avec sa filiale discount… C’est aussi ça être un bon manager…