Prix, suite. Et focus à présent sur Carrefour. Même si le sujet est peu commenté dans le groupe, il est aujourd’hui possible d’affirmer que Carrefour “price” différemment ses drives de ses hypers. Deux raisons solides pour l’affirmer : 1) ça se voit dès lors que l’on prend la peine de comparer. 2) j’ai validé en interne que c’était bien le cas. Question donc : pourquoi ? Pour le coup, et faute de positions officielle, je vais en rester aux hypothèses…
Première hypothèse : Carrefour a une vision long-termiste du développement du drive et fait le pari d’une bascule du off-line vers le on-line d’un certain nombre de catégories drive-perméables et entend l’anticiper en la suscitant via l’élasticité au prix. Pour accréditer l’idée, il est frappant de constater à quel point le baby-food et le baby-care sont moins chers en drive chez Carrefour. Or il s’agit de catégories très drive-perméables.
Seconde hypothèse : Carrefour joue l’asphyxie de Leclerc. Là, faut repartir en arrière. Leclerc a suffisamment répété à quel point il lui était dogmatiquement impossible d’avoir un prix différent entre hypers et drives pour que Carrefour ne l’ait pas entendu ! En conséquence, Carrefour joue la baisse de prix dans ses drives (200 à 300 millions d’euros de business, c’est-à-dire bien peu en réalité) pour contraindre Leclerc à baisser ses prix en drives bien sûr (pour les comparateurs) mais aussi en magasins. Or un nombre non négligeable d’adhérents Leclerc se plaignent désormais (et plus qu’à demi-mots) du sacrifice de marge que leur impose la guerre des prix. Ca aussi, impossible que Carrefour ne l’ait pas entendu.
Troisième hypothèse : Carrefour veut – artificiellement – s’embellir. Les comparateurs ne regardant par principe que le drive, l’occasion est trop belle de se montrer plus compétitif que la réalité. Vis-à-vis de qui ? Des consommateurs utilisateurs des comparateurs ? Peut-être. De l’écosystème retail en “jouant” avec DISTRI PRIX (ou autres) ? C’est pas à exclure. De la communauté financière ? Pas impossible non plus. Là, ça nécessite un p’tit décodage… Apparaître au mieux dans les indices (encore une fois DISTRI PRIX qui circule plus que largement) va rassurer les analystes qui attendent de Carrefour qu’il soit dans la bagarre. Mais préserver sa marge en hypers va permettre à Carrefour de tenir son engagement d’EBIT en France. Et de soutenir son cours.
Quatrième hypothèse : Carrefour joue la pole position. Casino en a rêvé pour ses hypers au printemps dernier mais la réaction – violente – de Leclerc l’en a empêché. A présent, c’est peut-être Carrefour qui s’imaginer calife (à la place de…, vous connaissez la suite). Là encore, le drive ne représentant qu’une part ultra-minoritaire de son business, Carrefour peut s’imaginer baisser encore plus fortement les prix on-line pour décrocher la timbale : la première place. Avec l’idée de le faire savoir, urbi et orbi ! Bon évidemment, ça, ça sera sans DISTRI PRIX (pas question de reprendre dans une comm’ nos résultats / au moins ça évitera la question). Mais Carrefour peut déployer ses propres outils. Après tout, Leclerc a bien développé Quiestlemoinscher en interne… Il pourrait donc tout à fait prendre à Carrefour l’idée de créer… Quiestvraimentlemoinscher ?, en s’appuyant sur les prix en drive.
Objectivement, toutes ces hypothèses (et d’autres peut-être) ont leur intérêt. Mais, en face, quel risque ? Enorme. En proposant des prix inférieurs en drive (même si l’effet global sur l’indice n’est peut-être que d’un point), Carrefour prend en effet un risque gigantesque : pourquoi les clients accepteraient-ils durablement de venir en magasins pour payer plus cher ? Comment l’enseigne réagira-t-elle lorsque des concurrents bien intentionnés en feront la publicité ? C’est d’ailleurs déjà le cas (ici au Mans) mais c’est encore très local. Donc peu douloureux.
En fait, si je n’avais droit qu’à une seule question à Georges Plassat ou Noël Prioux (le patron France), ça ne serait pas “Pourquoi un pricing différencié ?” mais bien “Comment vous le justifierez le jour où ça sera vraiment public ?“. Parce que, là, pour le coup, je n’ai aucune hypothèse à partager 😉
Tout d’abord bravo pour l’analyse, basée sur des faits et dans la durée..Je pense qu’il faut élargir la réflexion sur la stratégie prix de Carrefour aux concurrents pure player , Amazon en premier. Les utilisateurs de drive qui recherchent un service et ne veulent pas aller en GMS , au moins pour certains achats contraints et répétitifs ( Couches, produits pour enfants..) peuvent etre tentés par Amazon et ses offres très aggressives en la matière. . Une moyen pour Carrefour de répondre à Amazon sur ses drives ..
et si on ajoute à ça les tract différencié en fonction des régions (ils ont refait le coup sur le mois carrefour comme en 2013). Ainsi en fonction de votre lieu de résidence vous avez droit à 70% ou 50% de réduction ! ça aussi c’est moche pour les pigeons…clients
Merci pour cette analyse. C’est une question que je me posais depuis longtemps car j’ai en effet rencontré de GRANDES disparités de prix selon les drives Carrefour (ex; capsule de café Dolce Gusto, 4.45 chez l’un, 3.35 chez l’autre). Mais ce que je trouve encore plus étonnant, c’est l’application ou non des promotions catalogues. Peu le font. Exemple, celui de PONTAULT COMBAULT applique les promotions catalogue.