LES FAITS. Enième crise porcine ces dernières semaines. Le Ministre de l’Agriculture y a répondu vendredi en décrétant l’encadrement des promotions.
Les Ministres de l’Agriculture passent mais, hélas pour les éleveurs, les habitudes demeurent : ils excellent dans l’art de la rustine. Cette fois-ci, accompagné dans la rédaction du décret par Emmanuel Macron, Stéphane Le Foll a imaginé l’encadrement des promotions. Désormais, plus question que les rabais dépassent “la moitié du prix moyen pratiqué hors promotion pour des produits similaires au cours du mois précédant l’opération”. Quant aux promos de dégagement (celles qui arrangent toute la filière, faut-il quand même le rappeler !), elles seront limitées à janvier et septembre. Bref, voilà les soldes porcines aussi soigneusement encadrées que le rôti ficelé.
Moins de promos, c’est une baisse mécanique des volumes
A ce stade, une certitude : les volumes vendus en rayons se contracteront. A l’image du poulet, le porc est – partiellement certes – une “commodité” pour les ménages français, notamment les plus modestes. Donc très impacté par le niveau de prix. En revanche, il est encore bien difficile d’assurer que la limitation des promotions induira un rebond durable de l’aiguille du cadran de Plérin, là où se fixe quotidiennement le prix du porc. Car le prix est tout à la fois la conséquence de la demande (pas uniquement la distribution) et de l’offre (pas uniquement bretonne). Là se situe le véritable nœud du problème porcin (et plus généralement agricole) : dans la moindre compétitivité de la “ferme France”.
La France a perdu son rang en Europe
C’est ce sujet qu’ont éludé les Ministres de l’Agriculture successifs, soulagés que la contestation paysanne cible en premier lieu les hypermarchés. Une faiblesse politique coupable qui se paye aujourd’hui. Qu’on en juge… En 2000, la France dominait largement l’Europe des échanges agricoles et agro-alimentaires avec 17 % de parts de marché, devant l’Allemagne à 13 % (voir graphique). Désormais, selon les calculs de la Commission, les positions se sont plus qu’inversées. Pour avoir accepté les distorsions de conditions de production entre pays (sociales et/ou environnementales), tous les Ministres qui ont occupé le 78 rue de Varenne en sont co-responsables.
Aujourd’hui, les écarts de compétitivité sont tels que les volumes le reflètent clairement. L’an dernier, alors que la production porcine reculait en France, elle augmentait de 2 % en Allemagne et de 8 % en Espagne ! Pire, la France importe toujours plus de matière première agricole pour les besoins des usines agroalimentaires, des cantines scolaires comme de la restauration commerciale : tous les circuits où l’anonymat de l’origine est presque garanti. Qu’il s’agisse de poulet ou porc, nombreux sont les produits simplement “transformés en France”. Ce qui sous-entend bien une origine extérieure. Poulet brésilien ou polonais, cochon allemand, etc.
Que faire ? A défaut de revenir sur les distorsions dans les conditions de production et rendre les poulets et cochons bretons plus compétitifs qu’ailleurs, seule une Préférence Alimentaire Nationale peut éviter la marginalisation de la production agricole française. Une Préférence Alimentaire Nationale assumée, revendiquée même, au besoin en imaginant une sémantique plus acceptable aux oreilles les plus fragiles ! De fait, cette préférence n’existe pas, ou si peu… Pour qui voyage, il est frappant de constater à quel point l’origine nationale est finalement modestement revendiquée dans l’Hexagone.
Pour en finir avec les origines masquées
En parallèle, et pour permettre à cette Préférence France de s’exprimer (ou, à tout le moins, au consommateur de comprendre et d’accepter une éventuelle différence de prix), l’anonymat des origines doit cesser au profit d’une transparence réelle. A l’heure de sauver la filière porcine française, comment accepter une “origine UE” en caractères microscopiques, parfois au dos d’un pack ? Si le cochon est allemand ou le poulet polonais, que ce soit clairement écrit ! Et s’il faut imposer une taille minimale de caractères, qu’il en soit ainsi. Faute de cette réelle transparence, comment attendre du consommateur une once de citoyenneté dans sa consommation ? En ouvrant ce chantier, Stéphane Le Foll a l’occasion unique de démontrer qu’un Ministre de l’Agriculture vaut bien plus que simplement poser une rustine. Et que, quitte à se salir les mains, il peut aussi changer une roue.
Olivier Dauvers
encore une fois excellente analyse, qui plus est avec des propositions de solutions durables et équilibrées entre producteurs, distributeurs et consommateurs.
Le jour où nos “décideurs” politiques viendront majoritairement de la société civile au lieu des salons feutrés de l’ENA, nous aurons une économie et industrie nationales pragmatiques et réactives qui affronteront plus efficacement l’économie mondiale. Mais je le sais, c’est beau de rêver.
Totalement d’accord avec vous Olivier !
Mon cher Olivier,
Quand est-ce qu’en France on va comprendre que traçabilité n’est pas égal à origine, qui à son tour n’est pas égal à qualité. Trop souvent on sort en France le tantra : quand on connaît l’origine on est rassuré par la qualité. Sous-entendant : ce qui est français est bon, ce qui vient de loin (donc de l’étranger) est de moindre qualité.
La traçabilité ne sert qu’à trouver en cas de pépin l’origine du problème. La qualité ne peut être garantie que par un cahier de charge et un mode de production garanti et contrôlé. La France n’a pas le monopole de la qualité.
Et si demain un scandale éclate dans un maillon de la filière ? C’est toute l’origine française qui sera concernée et donc aussi ceux qui font du bon travail sous les différents logos de “viande fançaise”
Quand est-ce qu’en France on va comprendre qu’il existe un marché mondial pour la viande porcine et de volaille ? Certes, vous pouvez être fier de vos produits, mais c’est le marché qui décide. Si le consommateur cherche à se nourrir pour moins de 5 euro par jour (ou n’a qu’un budget de….) ?
Et si tout le monde ferme sa frontière et va donner la priorité à sa consommation citoyenne ? Il vous manquera des longes et des jambons ? et vous aurez des pieds de cochon à brader…. Tu sais bien qu’il faut savoir valoriser le porc entier sur des marchés différents.
Et pourquoi le consommateur doit-il devenir un citoyen ? Citoyen qui veut peut-être – dans un reflex écologiste – réduire le nombre d’élevages ? Votre suggestion ouvre un conflit d’intérêt pour vos concitoyens.
Peut-être que le problème est ailleurs ? Trop de viande porcine standardisée sans aucun intérêt ni différenciation ? Manque de qualité et de repères pour les consommateurs ? et j’en passe.
Certes, il existe une distorsion dans les coûts de main d’œuvre (mais cela est vrai dans tous les secteurs économiques). Mais ce problème doit se résoudre à un niveau européen. Et quand il n’y aura plus l’Allemagne comme bouc-émissaire, il y aura la Pologne, l’Ukraine ou autres origines à accuser ?
Cordialement,
Tout à fait d’accord avec vous Dutoit. Je ne comprends pas ce chauvinisme pour les produits agricoles. Si le cochon français est tellement meilleur, pourquoi n’arrivent-ils pas à nous le faire comprendre à nous, consommateurs? Peut-être est-il plus simple d’aller pleurer dans les ministères que de se remettre en cause et chercher à adapter sa production pour coller aux marchés actuel et futurs. Ce n’est pas qu’un soucis de prix de revient. Laissons aux brésiliens les produits d’entrée de gamme, la France a l’image et le savoir faire pour faire dans l’agro limentaire ce que les allemands font dans la mécanique ou l’automobile.
Ce discours ne rend pas service à notre filière ni à nos éleveurs.
Mr Dauvers, vous vous institutionnalisez!
Bravo Olivier!
On peut étiqueter l’origine sur les produits en grande distribution, la restauration collective s’en moque et continuera à s’approvisionner au mieux disant sur lequel les consommateurs n’ont aucune prise. Les coûts de transports ne sont pas le reflet de leurs réalités, surtout en France et en l’absence d’écotaxe. Certes ça aide un peu les exportations, mais ça facilite la concurrence des produits importés. Enfin pour la filière porcine, en ce jour du début ramadan (information bien relayée dans la presse parce qu’elle concerne une communauté importante en nombre), je pense qu’il n’est pas nécessaire de vous faire un dessin …
Monsieur Dauvers,
La filière porcine française cherche a exporter, pour que cela soit possible il faut qu’elle accepte d’importer, tout est question de mesure. Si cette filière n’est pas compétitive sur sont marché national elle l’est encore moins sur le marché mondial.
Les différents intervenants de la filière porcine doivent comprendre qu’ils sont les responsables et que ce n’est pas la filière présente sur tel ou tel territoire hors de nos frontières qui pose problème mais que c’est leur incapacité à résoudre ensemble les problèmes qui se présentent à eux.
On devient responsable et autonome à partir du moment ou on arrête de chercher des coupables pour chercher des solutions à ses problèmes.