Demain, cher Stéphane Le Foll, vous serez donc “à la manœuvre”, inaugurant une nouvelle fois le Salon de l’Agriculture. La petite histoire du remaniement dit qu’il ne vous aurait pas déplu de laisser la place. Mais… à qui ? Même Jean-Vincent Placé, pourtant prêt à tout pour un maroquin, aurait convenu qu’un écolo (certes défroqué) à l’Agriculture, ça ne le faisait pas ! A vrai dire, tant mieux… Vous connaissez désormais les dossiers et, mieux qu’un bizuth, vous pouvez (peut-être) effacer de longues années d’inaction coupable de vos prédécesseurs en engageant (enfin) trois chantiers structurants pour l’agriculture française. Vous n’en tirerez certes pas les fruits : c’est le principe des réformes structurelles. Mais vous éviterez a posteriori que votre nom ne rallonge la liste des Ministres de l’Agriculture qui, à coups de saupoudrages savamment dosés, n’ont en rien préparé la Ferme France à ses nouvelles concurrentes, allemande ou espagnole par exemple. Faut-il ici rappeler le lent mais certain recul des positions françaises dans les échanges européens ?
Renversez la table européenne si nécessaire !
Premier chantier donc : l’équité de la concurrence européenne. Cette équité qui est à ce jour inexistante. Les distorsions dans les conditions de production entre pays sont patentes. Qu’il s’agisse de sujets sociaux, fiscaux ou environnementaux, vous ne pouvez naturellement les ignorer. “L’Europe”, me direz-vous. Eh bien, renversez la table à Bruxelles ! Là, vous seriez dans l’action au service de l’agriculture française… Libérez les acteurs français des contraintes que ne supportent pas tous les Européens ! Harmonisez les conditions de production ! La baisse des charges initiée la semaine dernière (sous la pression) est assurémment un premier pas. Qui en sous-entend de nombreux autres pour rattraper le chemin perdu.
Le second chantier est plus endogène. N’en déplaise à certains, l’agriculture française pêche par sa faible productivité. Sur les filières lait et viande bovine, les écarts intra-européens tournent à la caricature. Savez-vous, cher Stéphane Le Foll, que la production de lait par unité de travail atteint 188 tonnes par an en France, 200 en Allemagne, 382 au Pays-Bas ou encore 513 au Danemark ? En quatre chiffres se résume l’ampleur de la tâche… Initiez au plus vite un plan de transformation de l’exploitation agricole avec, dans le viseur, la productivité. Là encore, vous seriez dans l’action au service de l’agriculture française… Faute de quoi (et même un aspirant sous-préfet le comprendrait…), pénalisée par l’inéquité de la concurrence et par sa propre productivité, la Ferme France sera durablement moins compétitive. Donc perdra des parts de marché.
Imposez l’affichage clair de l’origine
Le troisième chantier déplace le curseur vers le consommateur. C’est l’ultime payeur, donc la source de toute valeur que le paysan, en amont, peut espérer récolter. Car je ne vous imagine pas si naïf, cher Stéphane Le Foll, pour imaginer que le prix d’achat de la distribution ou de la restauration (y compris publique…) soit, à lui seul, la cause du malheur agricole. Le vrai responsable est un cran en aval : le consommateur. Vous, moi, et tous les autres ! Et pour faire du consommateur un citoyen (en clair pour organiser la préférence alimentaire française et soutenir mécaniquement les cours), l’affichage de l’origine ne peut être une option mais bien une… obligation. Et pas en caractères minuscules, invisibles. A la carte d’un restaurant, comme sur les conditionnements des produits transformés, imposez la mention de l’origine des matières premières principales. Là encore, vous seriez dans l’action… Le chantier est immense, certes. Pas toujours facile, c’est évident. Mais le salut de l’agriculture et de l’agroalimentaire mérite bien de surmonter quelques difficultés, non ?
Olivier Dauvers
(Ingénieur agricole, Editeur spécialisé sur le commerce et la conso, Directeur du Think Tank Agroalimentaire Les Echos)
Pour télécharger TRIBUNE GRANDE CONSO, c’est ici
Pour compléter cette lettre ouverte
1- Renverser la table de Bruxelles, et également la table des contraintes supplémentaires françaises. Quand on n’est pas le leader de l’efficacité et qu’on charge nos exploitations de contraintes supplémentaires franco-françaises, c’est comme vouloir gagner le Marathon de Paris avec un sac à dos de plomb. C’est partir avec un sacré handicap.
2- Libérer la productivité pour ceux qui veulent produire pour nourrir le plus grand nombre et inciter et favoriser une autre agriculture orientée vers la qualité visible du client. Certains regroupements ont réussi à se différencier et apportent des preuves de leurs valeur ajoutée (ex Savéol et bien d’autres)
3- Éduquer le client ? Il ne voit que ce qui est visible. Producteurs et transformateurs doivent valoriser la qualité des produits finis pour ceux qui vont dans cette voie (le faire et le dire). Et pour le “basique” la fonction essentielle est nourrir des bouches de produits sains loyaux et marchands… mais avec des coûts de production compétitifs.
Un patron d’hypermarché
Ingénieur agro de formation
Fils d’agriculteur éleveur laitier
Bonjour Olivier,
Je vous rejoins sur votre lettre ouverte à S Le Foll, mais je vous propose d’aller encore plus loin dans l’information au consommateur… ou revenir en arrière serait plus précis.
Avez vous eu vent du retrait d’Auchan sur un beurre “lait origine France” fabriqué en Belgique
http://www.auchan.fr/assets/images/pdf/Beurres_Moules_Auchan.pdf
Je dis revenir en arrière car il fut un temps pas si lointain ou l’ensemble de la distribution avait à cœur de mentionner sur leurs MDD le nom du fournisseur et l’adresse de l’usine, aujourd’hui c’est de moins en moins le cas, certaines enseignes ont même supprimé le code emballeur ….depuis la guerre des prix!
afin de cacher quoi?
Que le produit n’est plus fabriqué en France
Que certaines matières premières Françaises sont exportées pour faire tourner les usines Belges, Allemandes, Espagnoles…
J’ajoute donc à votre lettre ouverte, cher Olivier, la demande que S Le Foll impose une totale transparence sur les fabrications des MDD c’est à dire à l’arrière du pack le nom du fournisseur, son code emballeur et l’adresse exacte de l’usine de fabrication du produit, ne vous inquiétez pas pour la place, il y a juste ce qu’il faut près de la cartouche d’impression de la DLUO. La preuve certains distributeurs l’ont laissée.
Avec cette clarté le consommateur choisira en toute connaissance de cause.
Je vous invite d’ailleurs lors de vos visites en magasin à constater par vous même, un exemple? les légumes surgelés..
Bonne visite Olivier.
Comme vous le dites, dans la restauration notamment collective et publique, le consommateur n’a pas son mot à dire. UNE SEULE FOIS, il y a 20 ans, j’ai vu en restauration collective, le restaurateur avoir affiché l’origine des viandes proposées. Il a vite arrêté, la viande d’origine étrangère lui restait sur les bras. L’alimentation de masse façon “Tricatel” dans “L’aile ou la cuisse (1976)”, c’est moche à dire, mais je crois qu’on y est. Cela fait maintenant 9 ans que je ne mets plus les pieds à la cantine des mes différents lieux de travail. Ça cela concerne l’affichage de l’origine.
Concernant les conditions de production et la productivité. Le premier est la cause du second. En faisant du dumping social, c’est sûr qu’on a une meilleure productivité. Concernant le postulat “plus c’est gros, mieux c’est” selon lequel il y a les charges fixes et les charges proportionnelles et donc que les charges fixes s’effacent progressivement au profit des proportionnelles est à mon avis un postulat simpliste. Le recensement des charges ne pouvant être exhaustif, des charges nouvelles apparaissent lors de l’augmentation de taille de la production. Ça ne marche pas toujours, il suffit de voir la compétitivité des TPE et PME par rapport à certaines grandes entreprises. Ces dernières font appel aux TPE et PME pour externaliser, il doit bien y avoir une raison. Le cas le plus flagrant de cette perte de compétitivité par la croissance est certainement nos collectivités territoriales qui en se gonflant de taille (et d’orgueil) se révèlent être des bureaucraties goinfres en finances publiques.
Et enfin un cas concret du gonflement de taille proche du lieu d’où je vous écris, je parle de l’usine à vaches à Drucat en Baie de Somme de ce cher M. Ramery. Il est très contesté par les populations locales avec ses noria de poids-lourds (aux infrastructures routières payées par la collectivité), ses odeurs, sa maltraitance animale. Ça ne fait pas rêver les consommateurs. Je serais curieux de voir si les consommateurs achèteraient si c’était écrit sur l’emballage “fabriqué avec du lait de l’usine à vaches”.
Bravo!
Excellent. 1000x fois d’accord avec vous Olivier. Ça commence à faire son chemin meme à la FNSEA …
A propos des trois chantiers :
– Plus de productivité mais qu’en sera-t-il de la qualité des produits et des retombées sur l’environnement ? L’eau n’est-elle pas parfois polluée à cause de l’élevage intensif ? Est-il possible de manger bon, pas cher, sans polluer ?
– Les entreprises agricoles sont-elles oui ou non trop taxées, par rapport à une entreprise classique ou à un ménage ? Il n’y a vraiment aucun avantage ? On ne sait rien là dessus.
– On ne peut tout de même pas imposer à un pays de manger exclusivement des produits français, cela me semble aussi poser un problème de liberté individuelle. Le consommateur doit rester libre de ses choix. D’ailleurs si toutes les entreprises françaises en concurrence avec l’étranger venaient faire des opérations dans les grandes surfaces, je vous laisse imaginer. Et pourquoi pas imposer aux paysans d’utiliser uniquement des tracteurs Renault ? La filière agricole doit convaincre mais pas imposer son point de vue à coup de barrages, de saccages, de pneus brûlés… Cela ne fait que nuire à l’image des agriculteurs.
Bonjour Olivier , comme d’habitude , juste,précis et sans détour . Je suis toujours aussi naïf pour croire que nos politiques ne connaissent pas les solutions ! Tous ces grands hommes , bardés de diplômes et armés de grands de discours et carriériste des l’aurore ont oublié une seule chose dans leur sacs une petite place pour du courage , mais attention pas du courage pour eux , car çela ils en ont à revendre , mais pour les autres , et ça c’est l’école de la vie ……mais la vraie vie celle qu’ils n’ont malheureusement jamais connue ….