Réunion hier à Bercy. Autour de la table politique, agriculteurs, industriels et distributeurs dans le cadre du “comité de suivi des relations commerciales”. Sur le fond, rien à dire. Rappeler les enseignes à leurs engagements et aux acheteurs les lignes jaunes à ne pas franchir est juste normal. En revanche, et comme toujours, c’est le ballet qui a suivi et précédé la réunion qui manque de fond. Et notamment la mise en cause de la “guerre des prix”. L’amont des filières attend une nouvelle fois de l’aval la fin de la guerre des prix. Ne leur en déplaise, si la guerre des prix peut être une cause de la dureté des négos, elle est d’abord une conséquence d’une situation de marché. Au risque d’être schématique (mes conférences sur le sujet durent en général près de 2 heures tant il y a à dire et à montrer !), au risque d’être schématique donc, il y 3 explications structurantes à la guerre des prix.
Première explication : le client (en macro-économie, on dirait “la demande”). Sa contrainte budgétaire est forte, son pouvoir d’achat durablement plus faible que son vouloir d’achat. Ce qui engendre logiquement une frustration consumériste. Malchance supplémentaire, malgré quelques signaux positifs mais encore faibles, l’alimentaire demeure pour la grande majorité des clients une variable d’ajustement des budgets, au profits des biens d’équipement ou des loisirs. Les chalands n’en sont logiquement que plus réceptifs aux promesses de prix bas.
Deuxième explication : les enseignes elles-mêmes (“l’offre”). Depuis trois ans désormais que nous publions avec précision ces datas dans notre veille VIGIE GRANDE CONSO, les rendements commerciaux sont en baisse. L’an dernier, par exemple, les CATP ont progressé de 1,5 % en hypers et baissé de 1,1 % en supers selon Nielsen, tandis que la surface commerciale exploitée progressait de respectivement 2,1 % et 1,6 %. Vous savez compter : il y a donc moins d’euros par mètre carré. Or le rendement est le modèle de la grande distribution. L’ADN même. Normal que chaque enseigne tente de limiter les effets de cette baisse des rendements en macro dans son propre business. Comment ? En activant le levier prix. Pourquoi ? Parce qu’il est efficace. Et c’est la troisième raison.
Le client est en effet plus que jamais zappeur. L’évolution des parts de marché au gré des efforts publi-promo le démontre. Ce qui ne peut qu’encourager les enseignes à durcir leur jeu. L’essentiel pour l’amont agricole et industriel n’étant pas tant d’obtenir des belligérants un cessez-le-feu mais bien le respect absolu du cadre défini. L’expérience l’enseigne : à mieux poser un problème, on se rapproche toujours de la solution.
Ce qui inquiète au-delà de cette analyse, c’est les sous-investissements que cela engendre dans l’innovation, la data, le digital. Quand on compare les investissements des distributeurs français à ceux de Grande-Bretagne ou des USA, où Walmart a investi plusieurs milliards depuis des années, on se dit que l’on aura quelques surprises dans quelques années dans le jeu concurrentiel français et européen où les retards seront difficiles à rattraper.