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Amazon : après le click, le mortar (et les ennuis ?)

TGC Masque juin 2017

LES FAITS. Vendredi, Amazon a annoncé avoir déposé une offre de rachat de Whole Foods, moyennant 13,7 milliards de dollars. Une première, en tous les cas à cette échelle.

C’est un véritable bing bang qui a secoué le retail planétaire. Amazon, le pionnier du e-commerce (que l’on ne peut plus qualifier de leader mondial depuis l’avènement du Chinois Alibaba), Amazon, donc, rentre de plain-pied dans… le monde réel du commerce ! Après le click, le mortar. Certes, Jeff Bezos, le boss, a déjà franchi le Rubicon mais… avec la “pudeur d’une gazelle” : une poignée de librairies Books, dont l’historique à Seattle, inaugurée fin 2015.

Le paiement en cash est bien plus qu’un détail. C’est un symbole !

La déflagration a été d’autant plus puissante que l’offre d’Amazon a été libellée en cash. Ce qui est bien davantage qu’un détail. Un symbole de la toute puissance du nouveau monde. Avec sa valise bourrée de 14 milliards de dollars, Jeff Bezos aurait pu se payer deux fois Casino. Avec une poignée de milliards de plus, Carrefour. C’est dire si le pouvoir a, au moins en apparence, changé de camp. D’ailleurs, la bourse en a aussitôt pris acte. Vendredi, c’était avis de tempête sur le retail mondial : – 3 % pour Carrefour et Casino, – 5 % pour Tesco, Walmart et Walgreens, – 7 % pour Costco, – 9 % pour Ahold et Kroger, etc. En une décision de Bezos, plus de 30 milliards de valeur boursière se sont envolés… Une paille !

Au-delà, Amazon signe une nouvelle fois l’acte de décès du… e-commerce. Le e-commerce est mort, vive le commerce (et ses deux jambes, on-line ET off-line). Et les thuriféraires du “réel” de se rengorger dans une extase touchante. “Le magasin physique n’est pas mort”. La preuve par l’exemple. C’est un fait, il n’est pas mort. Mais… beaucoup vont néanmoins disparaître ! Dès lors que le rythme de développement du on-line est supérieur à l’évolution générale de la consommation (ce qui est le cas dans tous les pays), le bon sens en impose la fatale issue. Qu’Amazon jette son dévolu sur Whole Foods Market (WFM) n’y change absolument rien. 

Welcome dans le retail, Jeff !

Au passage, Amazon va quand même (un peu) changer de métier. Bien sûr, il demeurera le remarquable logisticien qu’il est devenu à coups de milliards d’investissements. Mieux, les 450 points de vente WFM vont évidemment constituer autant de bases avancées pour l’activité de livraison (au préalable, il sera quand même nécessaire de rompre le contrat de cinq ans qui lie Whole Foods et Instacart…). Bien sûr, la culture “data” d’Amazon irriguera Whole Foods. Bien sûr, Amazon est déjà un commerçant… 

Mais on-line et off-line ont ceci de différent que, si l’exécution est par principe centralisée sur la toile, elle est décentralisée dans les points de vente. Or, Amazon ne pourra se contenter de gérer les centaines de WFM comme les entrepôts d’une activité logistique. Car il est à présent urgent de relancer Whole Foods (en ce sens, l’écart entre l’image de l’enseigne chez les “professionnels de la profession” et la réalité commerciale” est… curieux). WFM a aligné six trimestres consécutifs de recul de ses ventes à magasins comparables. Une dynamique que le nouveau propriétaire ne peut accepter car induisant à terme un recul de la profitabilité. Amazon devra donc relancer WFM, pas uniquement gérer. D’ailleurs, au-delà des magasins-flagships, WFM a un problème manifeste d’actifs Jugez plutôt… En 2016, les points de vente de plus de cinq ans ont vu leurs ventes baisser de 3,2 % en comparable (vs + 0,5 % pour les plus récents). En clair, le “vrai” Whole Foods n’est pas à Manhattan ou à Cupertino (photo) mais à Omaha dans le Nebraska ou à Overland Park dans le Kansas. Welcome dans le retail, Jeff !

Olivier Dauvers

Pour télécharger TRIBUNE GRANDE CONSO, c’est ici

 

3 commentaires

  1. Analyse très juste, qui soulève des nombreuses questions qui nous promettent de nombreux bouleversements à venir. L’information nouvelle soulevait concernant le paiement Cash est excrément importante, je partage cet avis. C’est nouveau dans le retail, mais les GAFA ont une capitalisation boursière et une trésorerie hors-normes (250 milliards pour Apple qui pourrait racheter deux à trois groupes majeurs tous secteurs confondus), et les investissements sont toujours réalisés en cash, et pour plusieurs milliards en général. Il est clair que si ces acteurs commencent à s’intéresser au retail physique (je ne pense pas à Apple, mais à Google par exemple), les acteurs traditionnels peuvent trembler !

  2. 14 milliards en cash… mais essentiellement par endettement. S&P n’a pas apprécié.
    A Carrefour maintenant de faire l’inverse en passant du mortar au click, au vrai!

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