LES FAITS. A l’occasion de la présentation de ses résultats semestriels mercredi, Carrefour a annoncé prendre une participation au capital de Cajoo, la start-up française du quick-commerce. Les modalités sont encore en discussion (à la fois sur les volets capitalistiques et organisationnels) mais l’affaire est entendue : Carrefour veut proposer la livraison ultra-rapide à ses clients. Avec des arguments totalement nouveaux…
Avec le quick-commerce, tout va… vite : la livraison vers les consommateurs, garantie en 10 à 15 minutes bien sûr ; mais également la recomposition capitalistique. Suivant l’Allemand Rewe qui a annoncé le mois dernier prendre une participation au capital de Flink, Carrefour s’invite donc chez Cajoo, une start-up qui n’a qu’une demi- année au compteur ! A peine créée, Cajoo est déjà adossée. Le quick-commerce en action…
Quick-commerce : pas question d’attendre pour voir. Il faut y être pour voir !
Concrètement, et même si les discussions sont encore en cours, Carrefour va apporter à Cajoo ce qui lui manque le plus : du cash (le frenchie est un “prolo” du quick-commerce avec seulement 6 millions d’euros levés en février) et des conditions d’achat. En retour, Cajoo offre à Carrefour une fenêtre sur un nouveau monde. Et l’occasion de briser quelques tabous… C’est ainsi qu’il faut comprendre les explications d’Alexandre Bompard aux Échos. “Je ne sais pas quelle sera la taille du marché ni à quel rythme il va croître mais je sais que Carrefour a des clients qui vont vouloir ce service”. En clair, pas question d’attendre et voir. Il faut y être pour voir ! Sacré changement de dogme pour un groupe et deux présidents (Lars Olofsson et Georges Plassat) qui, sur le drive, avaient courageusement opté pour le “wait & see”. La suite leur a donné tort. Résultat : Carrefour est toujours à la traîne sur le drive et se voit contraint à des efforts XXL pour revenir dans le match, toujours dominé par Leclerc qui, lui, n’avait pas eu d’états d’âme.
Le second tabou que balaie Alexandre Bompard se lit entre les lignes. “Est-ce qu’aujourd’hui c’est rentable ? Bien sûr que non. Est-ce que c’est un investissement intéressant sur le long terme car il va permettre de fidéliser des clients à forte valeur ajoutée ? La réponse est oui”. En l’espèce, le patron de Carrefour met dans le débat une nouvelle approche de la rentabilité d’un distributeur : par client. Jusqu’à lors, la seule lecture de l’efficacité économique d’un retailer se mesurait à l’aune de ses canaux (raison pour laquelle Carrefour a refusé l’obstacle du drive). Dans un métier où 70 % du CA est “encarté”, une autre lecture est possible : le profit par client. C’est, en creux, ce que dit Alexandre Bompard. Et, ça, c’est nouveau.
Olivier Dauvers