Cette semaine, pour la première fois depuis son ouverture il y a 12 ans, Leclerc Fécamp ne distribuera plus de prospectus. Pourquoi ?
Deux grandes raisons ! L’une est un constat, l’autre une conviction. Le constat, c’est le nombre de prospectus jetés sans même être feuilletés. Un vrai gaspillage. Pour notre hyper, nous l’avons calculé à… 69 tonnes. Présenté comme ça, c’est inentendable. Ensuite, il y a la conviction et la responsabilité. La société (donc chacun d’entre nous) attend beaucoup, notamment des politiques, sur ces sujets environnementaux. Et si nous… commencions nous-mêmes ? Le commerçant a la possibilité d’agir très concrètement. Les consommateurs aussi. C’est l’enjeu de cette transition digitale pour maintenir l’offre promo du magasin mais désormais sans les 3 millions de prospectus que nous imprimions tous les ans (25 000 par OP).
Comment la décision se prend-t-elle ?
Par une maturation lente et par des étapes symboliques qui imposent de se décider. Nous, c’était le 30 janvier dernier. Il fallait s’engager sur les prospectus du second semestre. C’était le moment pour basculer. Ou pas !
Avec ou sans crainte ?
Dire qu’il n’y a pas de risque serait mentir. La promo pèse 15 % des ventes du magasin. Autant dire que la moindre variation sur le CA promo aurait des répercussions sur les performances globales. Mais pas de véritable crainte. Il y a des exemples chez Leclerc qui montrent que c’est possible. Il y a aussi, je le pense, une maturité sociétale pour accepter quelques gestes forts. Surtout, encore une fois, qu’il ne s’agit pas de supprimer les promos (donc un avantage conso) mais de basculer vers un autre mode d’accès aux promotions. La nuance est importante et c’est tout l’enjeu de la communication clients aujourd’hui.
Vous avez pris vos clients « par surprise » en leur annonçant via un « happening » dans la galerie de l’hyper samedi. Comment ont-ils réagi ?
Nous avions fait le choix d’être volontairement mystérieux en les conviant samedi matin à une « grande annonce ». Au moment de l’annonce, j’ai vu des têtes surprises, c’est vrai. Mais au fur et à mesure des explications (et notamment que l’on supprimait le prospectus mais pas les promos), je pense que nous les avons rassurés. Et puis nous assumons aussi de jouer sur un autre registre : la fierté de l’engagement. Leclerc Fécamp sera le 1er hyper normand à basculer. Nous voulons faire de nos clients des pionniers.
En réalité, vous n’êtes pas aussi radicaux que d’autres, notamment chez Leclerc. Ici, c’est zéro prospectus ou… presque !
Nous diffuserons effectivement une poignée de prospectus (qui se comptent quand même sur les doigts d’une main !) parce qu’il s’agit en réalité de catalogues utilisés pour préparer l’achat, parfois sur du temps long, comme un guide : foires aux vins, rentrée des classes, jouets, etc. Dans les faits, nous diminuons bien notre consommation de papier de 95 %.
Vous êtes (nouveau) président de la Scanormande, la centrale régionale Leclerc. Le regard de vos collègues adhérents ?
On me dit souvent que c’est « courageux ». Peut-être pour ne pas dire « trop audacieux » ! En réalité, il y a une forme d’évidence. C’est notre responsabilité de chef d’entreprise. En premier lieu de nous préparer à l’avenir de notre activité (qui peut imaginer que l’on va longtemps continuer comme avant ? Personne ! Donc nous aurons pris de l’avance…). Ensuite, les entreprises doivent être des acteurs de la transition environnementale. Nous y participons.
Les têtes surprises des clients lors de son annonce, ce devait surtout être de ne pas récupérer de “cadeaux” ou autre avantages qu’ils pensaient liés à l’annonce quelle qu’elle ai pu être.
Audacieux de l’avoir annoncé de la sorte, risqué même car des clients peuvent se sentir filoutés de ce non-évènement pour leur portefeuille “en direct”.
Je me suis fait exactement la même réflexion ! Il doit y avoir des déçu(e)s…