Auchan : la remise à niveau des ex-Casino générerait 1,6 Md€ additionnels. Au moins en théorie…

Avec des rendements presque 2 fois supérieurs en SM et 3 fois supérieurs en HM à ceux des Casino repris, Auchan peut théoriquement regagner 1,6 Md€ de CA additionnels en plus du 1,2 Md€ acquis. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Le point complet alors que Guillaume Darrasse (ex-U et ex-Teract) prend aujourd’hui ses fonctions de nouveau patron de l’enseigne…

Cela n’a rien d’une surprise mais la mise au jour détaillée des CA/m2 des magasins cédés par Casino permet de toucher du doigt l’ampleur du challenge qui attend les repreneurs. En l’occurrence, dans le cas d’Auchan, les 70 supers et 26 hypers qui changeront d’enseigne entre mai et juillet. 

De façon lapidaire, les SM et HM qui basculeront Auchan affichent des rendements à la fois extrêmement faibles et très homogènes : entre 3 500 et 3 600 €/m2. Pour les supers, c’est 1,6 fois plus pour les standards du format chez Auchan.  Et pour les hypers le ratio atteint 2,7. A l’évidence un tel écart est inédit dans l’histoire récente du commerce à une telle échelle. 

Comme toujours, il y a deux lectures possibles. La vision optimiste, qui a présidé à la décision du rachat, se focalisera sur le gain potentiel monumental que pourrait générer le changement d’enseigne. Un simple alignement des performances des ex-Casino sur les moyennes d’Auchan occasionnerait un gain additionnel théorique de CA proche de 1,6 milliard d’euros, provenant aux trois quarts des seuls hypers.

Casino détient en particulier dans le quart sud-est des emplacements de premier choix, largement sous-exploités pour l’heure : les performances actuelles de magasins comme La Foux/Gassin (47 M€ / 7 200 m2), Marseille la Valentine (58 M€ / 14 000 m2), Annecy Seynod (35 M€ / 7 700 m2) ou St-Étienne Monthieu (34 M€ / 8 100 m2), pour ne citer qu’eux, sont indignes du potentiel de leur site… alors même que ces hypers affichent les meilleurs ratios de CA/m2 au sein du parc racheté par Auchan.

Le même raisonnement vaut pour les supers. Auchan a fait son marché dans des zones à potentiel : côte méditerranéenne, Rhône-Alpes, Île-de-France, régions bordelaise et toulousaine concentrent la quasi-totalité des sites rachetés. Et en dehors des deux Casino de Paris 16e (le flagship St Didier/Belles Feuilles et rue de la Pompe) qui émargent déjà à plus de 10 000 €/m2, l’immense majorité du réseau conserve une belle marge théorique de progression. 

Mais la vraie question n’est pas tant de savoir si Auchan est capable de faire mieux que Casino, que de relancer l’activité dans des conditions économiques viables et durables pour le groupe. Au cours des 15 dernières années, Jean-Charles Naouri a usé la patience de ses clients, de ses collaborateurs et rogné sur tous les investissements en France pour assouvir le besoin de remontée de cash vers ses holdings. Il faut réamorcer toutes les pompes et vite pour stopper l’hémorragie.
Les premières transformations Casino-Intermarché le démontrent : le capital commercial évaporé ne pourra se reconstruire que sur le temps (très) long. Donc avec un coût (très) élevé. De façon réaliste, le “point mort” semble inatteignable à horizon visible pour une bonne partie du réseau Casino. Notamment les hypers : 18 des 26 unités reprises n’atteignent pas les 30 M€/an…. Ce qui devrait logiquement amener Auchan vers une stratégie du “sauver ce qui peut encore l’être”, pour ne pas risquer de tirer tout l’édifice par le fond. Même s’il est encore trop tôt pour pouvoir l’assumer publiquement.