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[ EXCLU ] Quelles étaient les pistes d’évolution d’Egalim (avant la dissolution de l’Assemblée Nationale) ?

La dissolution de l’Assemblée Nationale, décidée le 9 juin, aura donc aussi des conséquences pour l’éventuelle révision des lois Égalim puisque que le travail des deux députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard aura été stoppé net. En février, ils avaient en effet été officiellement chargés par le Premier Ministre Gabriel Attal, d’une mission « visant à évaluer une potentielle évolution du cadre législatif et réglementaire des lois EGalim et, plus globalement, des négociations commerciales ». Leur rapport aurait dû être rendu sur la seconde quinzaine de juin. Il ne le sera pas. 

Pourtant, en trois mois, les deux députés avaient mené 70 auditions. Dans un pré-rapport auquel j’ai eu accès, ils dressent néanmoins à la fois leurs constats et ébauchent cinq pistes d’évolution, histoire que leur travail ne tombe pas aux oubliettes ! 

Parmi les constats – et je cite – « une large partie de la production agricole échappe aux lois Égalim ». Et les deux députés de prendre des exemples… « En première approximation – qui mériterait d’être confirmée – la part des viandes bovine et ovine concernée par les lois Egalim serait proche de 15 %, celle pour le lait de 40 % et enfin celle pour la viande porcine et de volailles de 50 % ». Les procureurs habituels du commerce y verront les pratiques des enseignes et de leurs centrales d’achat. C’est évidemment bien plus subtil et c’est l’intérêt du travail d’Anne-Laure Babault et Alexis Izard de…  « remettre l’église au centre du village ». Ils notent ainsi que « certaines filières, notamment végétales, ont fait le choix d’être exclues du dispositif ». Autre observation sur la filière viticole : « Le schéma de contractualisation vins AOP-IGP suit un processus « en marche arrière » actuellement incompatible avec le processus de marche en avant des lois Egalim ». 

Au-delà, les deux députés rappellent l’importance de la compétitivité de la Ferme France pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire. Pour les mal-comprenants (et Dieu sait qu’il en existe !) : la loi, même révisée ne pourra pas tout ! Autre constat et « conseil » : accroître la taille des organisations de production pour « rétablir le rapport de force entre producteurs et premier acheteur ». Et les deux députés de partager (à juste titre) leurs observations européennes. « Dans d’autres pays de l’UE, notamment ceux du nord de l’Europe (Allemagne, Danemark, Pays-Bas), les producteurs se sont regroupés au sein de coopératives (Arla Foods, Danish Crown, DMK, FrieslandCampina, …) qui assurent une très large partie, voire l’essentiel, de la collecte et de la transformation de la production d’une zone géographique déterminée. En France, pour le secteur de droit commun, la concentration de l’offre reste insuffisante pour inverser le rapport de force entre les producteurs et les premiers acheteurs ». 

Voilà donc pour les constats. Mais Anne-Laure Babault et Alexis Izard avaient eu le temps d’ébaucher cinq pistes d’évolutions réglementaires. Elles figurent dans le document que je reproduis ci-après. Mais j’en retiens déjà deux. D’abord, la création d’une date butoir de fin de négociation « amont ». Pour faire simple : les industriels ne pourraient négocier avec leurs clients distributeurs qu’après avoir préalablement négocié avec leurs producteurs apporteurs de matière première. Autrement dit, le prix du camembert ne pourra pas être négocié avant le prix du lait payé aux producteurs. Loin d’être idiot 😉

Seconde proposition : se pencher sur les indicateurs de coût de revient, censés servir de socle à la négo agricole. Les députés réclament – et je les cite toujours – des « indicateurs robustes ». Chacun y verra ce qu’il veut (derrière le mot « robuste ») mais évidemment qu’il y a mieux à faire (et c’est un euphémisme). 

Pour l’intégralité du rapport et le détail des ébauches de proposition, à vous de scroller… 

Le pré-rapport

NOTE 

à Monsieur le Directeur de cabinet du Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire 

Objet : Note sur la mission gouvernementale « EGalim » confiée aux députés Anne-Laure BABAULT et Alexis IZARD 

Le Premier Ministre a confié le 22 février 2024 à Anne-Laure BABAULT (Députée Démocrate de la Charente-Maritime) et à Alexis IZARD (Député Renaissance de l’Essonne) une mission visant à évaluer une potentielle évolution du cadre législatif et réglementaire des lois EGalim et, plus globalement, des négociations commerciales. Pierre CHAMBU (chargé de mission auprès du cabinet de la ministre Olivia GRÉGOIRE) et Yves TRÉGARO (membre du CGAAER) ont accompagné les députés durant les auditions et apporté leur appui à la construction des propositions d’évolution du cadre réglementaire. 

1. Le déroulé de la mission d’appui 

Un peu plus de soixante-dix auditions ont été effectuées entre mars et mai 2024. Les parlementaires ont auditionné les principales organisations professionnelles des filières agricoles et agroalimentaires1 ainsi que des industriels réalisant des marques nationales2, les enseignes de la grande distribution3, des cabinets d’avocats spécialisés dans les relations commerciales4, des organisations du commerce équitable5, des responsables politiques6. Deux filières ont été plus particulièrement étudiées, le lait de vache et la viande bovine. 

L’évaluation du titre II de la loi EGalim2 (mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité, durable, accessibles à tous et respectueuses du bien-être animal n’a pas pu être pleinement traitée compte tenu des délais et des acteurs auditionnés au 9 juin 2024. 

Au moment de la dissolution de l’Assemblée Nationale, le rapport, en voie d’achèvement, était constitué d’une soixantaine de pages et de trois parties : 

I. L’évolution du contexte économique et législatif


II. Renforcer l’amont agricole en améliorant la compétitivité de la Ferme France III. Simplification des négociations commerciales aval 

Le rapport et les conclusions devaient être rendus par les parlementaires au Premier Ministre à la mi- juin. 

2. Les principaux constats


2.1. Une large partie de la production agricole française échappe aux lois EGalim 

Les auditions et les données recueillies auprès de différents organismes permettent d’établir que les lois EGalim n’embrassent qu’une faible partie de la production agricole française à l’amont comme à l’aval. A l’amont, alors que depuis la loi 2, la contractualisation est la règle, de nombreuses filières, notamment dans le secteur végétal, ont fait le choix d’y déroger. A l’aval, la non-négociabilité de la matière première agricole (MPA) concerne depuis l’adoption de la loi « Descrozaille » en 2023 tous les produits vendus sur le marché français en grande distribution, qu’ils soient sous marque nationale (EGalim1) ou sous marque de distributeur (loi Descrozaille) ; certaines filières, notamment végétales, ont fait le choix d’être exclues du dispositif. Par ailleurs, une partie des volumes issus du secteur des productions animales et vendus en grande distribution échappe aux lois EGalim étant commercialisés sous des contrats courts inférieurs à trois mois et sans marque. Par ailleurs, le segment de la grande distribution ne représente qu’une partie des débouchés des industriels de l’agroalimentaire français. Au final, en première approximation – qui mériterait d’être confirmée – la part des viandes bovine et ovine concernée par les lois EGalim serait proche de 15 %, celle pour le lait de 40 % et enfin celle pour la viande porcine et de volailles de 50 %. 

Dans le secteur bovin, la contractualisation obligatoire imposée par anticipation dès 2022 n’a pas fonctionné. Les acteurs situés en aval de la production estiment que les dispositions actuelles ne sont guère compatibles avec le fonctionnement de la filière. En effet, il s’appuie, d’une part, sur la pratique de la « cueillette » des animaux de réforme et les jeunes veaux dans les élevages laitiers et allaitants, d’autre part, sur l’allotement des animaux en fonction de la demande des importateurs, des engraisseurs français en animaux maigres et des abatteurs pour les animaux finis. Ils soulignent que le développement de la contractualisation ne peut se développer que sur la base d’une démarche volontaire, avec une proposition de contrat simplifiée de la part des éleveurs et essentiellement pour une catégorie d’animaux, les jeunes bovins (éventuellement génisses et dans certains cas particuliers vaches de réforme allaitantes). 

La filière vins AOP-IGP, notamment celle du bordelais, connaît actuellement de graves difficultés économiques du fait de stocks importants et de prix d’achat par les négociants et les enseignes de la grande distribution très bas. Un viticulteur a, d’ailleurs, récemment attaqué en justice deux négociants pour avoir fait pratiquer un prix abusivement bas et a gagné son procès en première instance. Dans la pratique, de nombreux contrats écrits sont signés entre les viticulteurs et les négociants ; ils doivent ainsi respecter le formalisme des lois EGalim. Les enseignes sont les commanditaires des achats auprès des courtiers qui recherchent ensuite des volumes aux conditions telles que définies par ces dernières. Le vin est ensuite acheminé auprès des négociants, lesquels assurent la livraison des plateformes des enseignes de la grande distribution. Le schéma de contractualisation vins AOP-IGP suit donc un processus « en marche arrière » actuellement incompatible le processus de marche en avant des lois EGalim. 

Enfin, les filières de fruits transformés établissent également des contrats écrits. Leurs acteurs sont donc tenus de respecter les lois EGalim. Toutefois, les industriels sont généralement à l’origine du contrat. 

D’une manière générale, dans le secteur végétal, de nombreuses filières interrogées ont réaffirmé souhaiter rester en dehors du cadre des lois EGalim. Les filières vins AOP-IGP et produits transformés seraient plus enclines à l’intégrer mais à condition de modifier les modalités de mise en œuvre de la loi afin de mieux coller à leurs pratiques. 

La mise en œuvre plus large des lois EGalim (chaînage des contrats, non-négociabilité de la matière première agricole) nécessite au préalable d’avoir un recours plus systématique à la contractualisation entre les acteurs économiques qu’il convient donc d’inciter. Les démarches tripartites (contrats bipartites emboîtés) ont été évoquées à plusieurs reprises mais n’avaient pas été reprises dans le rapport à ce stade. 

2.2. Les filières agricoles et agroalimentaires doivent rester compétitives pour maintenir la souveraineté alimentaire de la France et ainsi soutenir les volumes de production français 

La perte de compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises au cours des quinze dernières années qui se caractérise par un recul de la balance commerciale de la France (lait, fruits et légumes dont notamment pomme, bovin, porc, volailles) a été soulignée à plusieurs reprises par les députés. Certes les exportations ont progressé avec les pays tiers mais elles sont sujettes à de fortes variations et dépendent de facteurs difficilement maîtrisables (parité euro/dollar, conflits armés, pandémies, pays cessant de commercer avec la France pour des raisons politiques). En revanche, elles ont reculé avec les pays européens, zone économique caractérisée par une stabilité économique forte un marché unique, une monnaie unique pour la zone Euro, au point que la balance commerciale de la France est devenue structurellement déficitaire avec l’UE à 27. Certains pays européens (Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Pologne, …) ont développé des filières agricoles et agroalimentaires très performantes (production et transformation). Ils ont acquis des parts de marché en France notamment dans les secteurs des commodités et des ingrédients « cœur de gamme » à destination de l’industrie d’assemblage (2ème transformation) et d’une partie du secteur de la restauration hors domicile (RHD) en progression, voire de la grande distribution. La souveraineté alimentaire de la France et sa capacité à produire pour le marché intérieur ainsi qu’à l’exportation passent par le maintien de sa compétitivité à tous les stades de la filière et la capacité des acteurs de la filière, producteurs et industriels, à soutenir la concurrence. 

Du fait de la guerre des prix que se livrent les enseignes de la grande distribution, les industries agroalimentaires ont vraisemblablement pâti d’un manque d’investissements nécessaires au maintien de la compétitivité par rapport à leurs concurrentes européennes. Les volumes importés pour la production de plats cuisinés, de sandwichs, matières premières pour la RHD, voire pour la GMS sont autant de matières premières agricoles qui ne proviennent plus des exploitations françaises. 

2.3. Un nécessaire renforcement des organisations françaises de production pour rétablir le rapport de force entre producteurs et premier acheteur 

Dans d’autres pays de l’Union européenne, notamment ceux du nord de l’Europe (Allemagne, Danemark, Pays-Bas), les producteurs se sont regroupés au sein de coopératives (Arla Foods, Danish Crown, DMK, FrieslandCampina, …) qui assurent une très large partie, voire l’essentiel, de la collecte et de la transformation de la production d’une zone géographique déterminée. En France, pour le secteur de droit commun, la concentration de l’offre reste insuffisante pour inverser le rapport de force entre les producteurs et les premiers acheteurs malgré les textes communautaires (Paquet lait de 2012, règlement Omnibus de 2017) et l’adoption de la loi EGalim1. 

Les producteurs, notamment en bovin lait et en bovin viande, souhaitent que les seuls indicateurs interprofessionnels de coûts de production produits et publiés par l’institut technique Idele pour la viande bovine et publiés par le CNIEL pour le lait de vache, soient utilisés dans les formules de prix payé aux producteurs. Par ailleurs, ils estiment que le coût de production doit être intégré de façon prépondérante dans les formules de prix servant à rémunérer les producteurs. Les députés ont observé, qu’à l’exception du lait de vache et de la viande bovine, les indicateurs publiés par les interprofessions sont exprimés par rapport à une base 100 pour une année de référence laissant ainsi aux parties toute la latitude pour définir une base en valeur. La DGCCRF a interpelé les députés sur le fait que l’association « coût de production interprofessionnel » et « proportion prédominante du coût de production dans la formule de prix » induit un risque majeur d’alignement des prix d’achat aux producteurs des produits agricoles par les premiers acheteurs, effet contraire à l’interdiction d’une clause d’alignement concurrentiel introduite dans la loi EGalim2 et un risque juridique au niveau français et européen (droit de la concurrence). 

Enfin, les producteurs ont souligné la nécessité d’une clause de rendez-vous chaque année pour les contrats pluriannuels avant la négociation commerciale annuelle industriels – enseignes de la grande distribution pour les marques nationales. Elles ont pour objectif de réévaluer, si nécessaire, la composante coût de revient de la formule de prix. Cette proposition pourrait conduire à la mise en place d’une date butoir de négociation « amont », avant le 1er décembre de chaque année. 

Depuis l’adoption de la loi EGalim2, le secteur coopératif doit prendre des mesures ayant des effets similaires au secteur de droit commun concernant la rémunération des associés coopérateurs. Or, la construction de la rémunération d’un associé-coopérateur s’effectue selon le processus « en marche arrière ». In fine, même si une formule de prix a été mise en place par la coopérative, le conseil d’administration peut s’écarter de son résultat, car il reste souverain pour la déterminer. Dans la pratique, notamment dans les grandes coopératives, l’information des associés coopérateurs au cours de l’année est actuellement insuffisante. 

2.4. La concentration des enseignes de la grande distribution conduit à un risque accru de dépendance économique des PME et ETI française et à la nécessité d’une protection par la loi 

La concentration des acteurs de la grande distribution va se poursuivre en France dans les prochains mois avec la reprise des magasins, d’une part, détenus par Delhaize (Match et Cora) par Carrefour, et d’autre part, ceux détenus par Casino en partie cédés à Intermarché et à Auchan. Par ailleurs, la part de marché de Leclerc s’accroit par croissance interne de son chiffre d’affaires. Les projections en 2025 font état d’une part de marché approchant 24 % pour Leclerc, de 22 % pour Carrefour et de 18 % pour Intermarché. Ainsi, le risque de dépendance économique va croissant pour les entreprises françaises essentiellement présentes sur le créneau des enseignes de la grande distribution et ne commercialisant que ou en très grande majorité des produits sous marque nationale. Le maintien d’un rapport de force relativement équilibré entre les industriels de l’agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution semble plus que jamais une nécessité. Les PME et ETI sont d’une manière générale favorables (1) au maintien d’une date butoir unique avec trois mois de négociation, (2) à la préservation de l’option 37 afin de garantir le secret des affaires, partagées (3) sur le maintien des clauses automatiques de révision de prix dont le fonctionnement n’a pas été optimal en 2022-2023 ou sur la possibilité d’introduire auprès des distributeurs en cours d’année un nouveau tarif lorsque les circonstances l’exigent. Les enseignes de la grande distribution estiment que l’option 3 est opaque notamment vis-à-vis de l’origine des matières premières. Actuellement, les indicateurs de variation de prix retenus au cours de la période d’application du contrat (en général un an) sont appliqués sur toutes les matières premières qu’elles soient origine France, Union européenne ou encore pays tiers. Les députés soulignent que les lois EGalim ont été adoptées afin de favoriser l’incorporation de matières premières agricoles d’origine française et ainsi d’en soutenir la demande (souveraineté alimentaire) et le prix (rémunération des producteurs). Le marché commun unique impose la libre circulation des marchandises dans l’espace communautaire, toutefois les députés étaient convaincus d’une nécessaire discrimination des matières premières agricoles selon leur origine pour appliquer avec discernement la non-négociabilité de la MPA. 

3. Les propositions d’évolution de la loi 

Sur la base des principaux constats résumés ci-dessus, les députés envisageaient la semaine prochaine de présenter au gouvernement une proposition autour de cinq axes : (1) la création d’une date butoir « amont » et éventuellement de modifier la date butoir « aval », (2) la nécessité de mieux structurer l’amont des filières et d’intégrer de nouvelles filières dans le processus des lois EGalim, (3) favoriser et valoriser l’origine France dans les contrats aval, (4) l’établissement des indicateurs robustes de coût de revient en valeur et (5) le recours facultatif à un tiers indépendant pour l’option 3 et à la clause de révision de prix dans les contrats entre industriels et enseigne de la grande distribution. 

3.1. La création d’une date butoir « amont » 

Afin d’éviter que des industriels aillent devant les enseignes de la grande distribution en décembre sans avoir renégocié le prix payé aux producteurs pour l’année à venir (notamment ajustement du coût de production), les députés ont émis l’hypothèse d’introduire une date butoir « amont » avant le 1er novembre. Elle présente le risque de rigidifier encore un peu plus les négociations commerciales ; pour cette raison, les industriels y sont globalement opposés. Son introduction nécessite, par ailleurs, de mettre en place une voire deux structures de règlement des différends (MRCA et éventuellement CRDCA en appel). Le pari est fait que pour conserver le maximum de temps pour la négociation commerciale annuelle pour les marques nationales (3 mois – 1er décembre – 31 mars), les industriels aient intérêt à avoir trouver un compromis avec les producteurs avant le début des négociations industriels – enseignes de la grande distribution. Par ailleurs, la date butoir fixée en novembre n’est pas très adaptée par rapport au cycle de certaines productions (légumes transformés où les contrats sont signés plutôt en début d’année). 

Anne-Laure BABAULT envisageait le maintien d’une date butoir « aval » fixe, le 31 mars, afin de mettre tous les industriels dans les mêmes conditions de négociation et de préserver ainsi le principe de la non-discrimination tarifaire. 

Alexis IZARD suggérait que l’envoi des CGV par l’industriel, au cours d’une certaine période prédéfinie, déclenche la période de négociation de trois mois, d’où le terme employé de date butoir « flottante ». 

3.2. La structuration des filières et assouplissement des règles de la proposition de contrat 

Les députés, ayant fait le constat que les producteurs notamment indépendants n’étaient pas armés pour proposer un contrat complet répondant aux exigences de l’article L. 631-24 du CRPM, proposent afin de faciliter la mise en place de contrats que seuls les éléments clés (prix déterminé ou formule de prix, volume, durée du contrat, nature et qualité du produit) soient mentionnés dans la proposition émanant du producteur, à charge ensuite au premier acheteur de fournir aux agriculteurs une proposition de contrat complète. Au regard de leur mise en œuvre depuis quelques années, les seuils d’exclusion de l’obligation de contractualisation, qui concerne les producteurs fermiers, sont à redéfinir avec les organisations professionnelles. 

Par ailleurs, du fait d’organisation et de pratiques différentes entre filières, des précisions propres à chacune d’entre elles sont nécessaires pour une meilleure adhésion des acteurs professionnels aux principes de contractualisation (limiter l’obligation de contractualiser pour certaines catégories de bovins, adaptation aux particularités des filières vitivinicoles ou des fruits et légumes transformés, réduction de la durée du contrat à un an…). 

La DGCCRF suggère de revoir la rédaction de l’article L. 631-24 du CRPM avec deux parties, la première traitant des sujets applicables à l’ensemble des filières, la seconde abordant les questions spécifiques aux filières le nécessitant (bovin, vins, fruits et légumes transformés). 

Convaincus qu’une meilleure organisation des filières passe par des organisations de filières plus fortes, la proposition d’une d’aide financière aux organisations de producteurs ou aux producteurs adhérant à une organisation de producteur a été envisagée. Toutefois, les modalités pratiques d’attribution n’ont pas été abordées (nature de l’aide, seuil d’attribution…). L’encouragement à la constitution d’organisations de producteurs commerciales transversales a également été envisagé. 

3.3. Favoriser et valoriser l’origine France dans les contrats aval 

Ce dernier point était en cours de discussion au moment de la dissolution de l’Assemblée Nationale le 9 juin 2024. 

L’un des objectifs majeurs des lois EGalim est de favoriser la commercialisation (produits frais) et l’incorporation (produits transformés) de matières premières d’origine française. Or, sous la forme actuelle, l’éventuelle révision du prix des matières premières agricoles en cours d’année dans les contrats aval, à l’aide des indicateurs publiés par les interprofessions ou instituts techniques, est effectuée sans discrimination de leur origine. Sans remettre en cause le principe de libre circulation des biens et marchandises dans l’espace économique européen, les députés étaient sensibles à ce que les revalorisations de prix affectent bien les matières premières agricoles provenant des exploitations françaises et non celles achetées par les industriels sur les marchés européen et international. 

Cette proposition n’a pas été expertisée par rapport au droit européen de la concurrence. Toutefois, le règlement INCO, qui concerne l’information du consommateur, est souvent mis en avant pour interdire toute discrimination sur l’origine des produits. Or, dans le cas présent, il s’agit uniquement de discriminer les matières premières agricoles dans une relation « B to B » en vue d’appliquer un indice d’évolution pour celles ayant une origine France. 

Depuis l’adoption des lois EGalim1 et Climat et Résilience, les repas servis en restauration collective du secteur public et des établissements du secteur privé doivent comporter depuis 2022 au moins 50 % de produits de qualité et durables dont au moins 20 % issus de l’agriculture biologique ou en conversion pour les cantines en France. Actuellement, les taux fixés par la loi sont loin d’être atteints. D’après les auditions, le montant consacré à la part alimentaire dans le budget global du repas est insuffisant pour permettre d’incorporer plus de produits issus des filières agricoles de qualité et de l’agriculture biologique. Au-delà du constat, aucune proposition précise n’a été formulée pour inciter les élus locaux à relever le montant de la part alimentaire du repas ou pour que l’État via un transfert de taxes abonde les budgets locaux concernés permettant d’atteindre les objectifs prévus par la loi. 

3.4. L’établissement des indicateurs robustes de coût de revient annuel ou infra-annuels en valeur 

Les indicateurs de coût de revient indicés sur une base 100 ne permettant pas de fixer de niveau de rémunération des agriculteurs, les députés proposaient qu’ils soient désormais fixés en euros par unité de compte (litre, kg) comme cela est déjà le cas pour les filières bovin viande et bovin lait. Dans un contexte de forte volatilité du prix des intrants, les indicateurs mensuels en indice restent nécessaires afin de tenir compte de l’évolution des différents postes de charges au cours de l’année. Les méthodologie d’élaboration des indicateurs doivent être clairement définies. 

Alexis Izard souhaitait que des outils informatiques en ligne soient développés afin, d’une part, d’alimenter les bases permettant le calcul d’indicateurs de coût de revient et, d’autre part, d’aider l’agriculteur à se positionner par rapport à un groupe de référence. 

3.5. Le recours facultatif à un tiers indépendant pour l’option 3 et à la clause de révision de prix dans les contrats entre industriels et enseignes de la grande distribution 

Dans 75 % des cas, les industriels ont recours à l’option 3 et à un tiers de confiance indépendant pour justifier de l’évolution de la matière première agricole entre deux tarifs annuels. Les commissaires aux comptes attestant la méthode de calcul et non le niveau de hausse relevant de la responsabilité des dirigeants des entreprises, les députés suggéraient que l’attestation puisse être demandée par l’enseigne de la grande distribution uniquement en cas de doute. 

Les industriels et les enseignes de la grande distribution font le constat relativement partagé que les clauses de révision automatique de prix durant la période d’exécution du contrat (variation des coûts des matières premières agricoles) sont loin d’être opérantes. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte des variations des coûts industriels (énergie, transport, emballage, main-d’œuvre), souvent rédigées de façon à ne pas être mises en œuvre. Aussi, les députés avaient envisagé de rendre ce dispositif optionnel, à la libre discrétion des parties. En revanche, la clause de renégociation (article L. 441-8 du code de commerce) devait être maintenue obligatoire et, à l’issue, en cas d’échec de la négociation, le Médiateur des relations commerciales possiblement saisi par l’une des parties. 

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