[ EXCLU ] Qui exploite les hypers Carrefour indépendants ?

À la faveur de 16 passages en location-gérance sur 2024, Carrefour s’approche de la barre des 100 ­hypermarchés ­indépendants en France. Un score colossal qui en dit long sur la crise du modèle intégré, et qui permet à certains partenaires du groupe de construire de petits empires sur le territoire national. L’enquête 100 % exclu de VIGIE GRANDE CONSO (que je partage ici après en avoir réservé la primeur à nos abonnés 😉 )

> En comptant les 16 sites en cours de transfert en 2024, VIGIE GRANDE CONSO dénombre donc 99 ­hypermarchés ­Carrefour, en France métropolitaine et en Corse, désormais exploités par un franchisé ou un ­locataire-gérant (voir carte détaillé ci-dessous). Les ­indépendants sont depuis longtemps majoritaires, très largement, dans la branche supermarchés du groupe avec plus de 75 % du parc. Sur le format hypers, au rythme où vont les choses, ils pourraient bien le devenir également : quand le 99e magasin aura basculé cette année, les ­indépendants auront sous leur coupe 41 % des hypermarchés français de ­l’enseigne. 

> Les économies ainsi réalisées sur les frais de main-d’œuvre sont connues : le personnel perd l’essentiel des avantages ­Carrefour, les ­négociations salariales se font magasin par magasin, les effectifs sont souvent revus à la baisse. Le distributeur, lui, met en avant un pilotage plus local, plus agile, plus impliqué, propre à relancer l’activité en berne des hypers. Qui ferait défaut, donc, dans le modèle intégré. 

> En ouvrant les vannes de la ­location-gérance, Carrefour n’attire pas que des entrepreneurs individuels. Au point d’ailleurs que son partenaire régional – et historique – Provencia (6 Carrefour, 34 Market) ne compte plus, désormais, la plus grosse flotte ­d’hypermarchés du pays. La taille aujourd’hui atteinte par certains de ces groupes franchisés, qui n’ont vraisemblablement pas encore fini de grandir, commence aussi à battre en brèche l’argument de l’agilité locale (reposant sur un entrepreneur solo façon Leclerc) avancé par Carrefour. 

> En signant cette année la reprise en location-gérance du magasin de Belle-Épine à Rungis, Yann Le Diouris (groupe Yabe) met ainsi la main sur son… huitième hypermarché Carrefour. En l’espace de quelques années, ce franchisé ­Carrefour historique de la ­région de Vichy est devenu le premier partenaire du groupe sur le format hyper. En Île-de-France, outre Rungis, il a déjà ­récupéré les clés de Noisy-le-Grand, Bercy 2 (Charenton-le-Pont) et Montreuil. En Auvergne-Rhône-Alpes, il compte quatre hypers et un Carrefour Market.

> Le deuxième plus gros exploitant d’hypermarchés Carrefour sur le sol français est tout aussi inattendu. II s’agit du Marocain Label’Vie, qui possède plus de 150 magasins Carrefour dans son pays d’origine. Depuis fin 2021, la collaboration entre les deux distributeurs s’est étendue à la location-gérance en France : à Marseille, Grenoble et en Île-de-France (six hypers au compteur). Le Marocain aurait aussi eu des vues sur Bercy 2 et Belle-Épine, mais Yann Le Diouris a ­finalement ­emporté l’affaire. Carrefour a eu très peur, il y a trois ans, que son engagement avec Label’Vie soit perçu comme une façon de créer un cluster “ethnique” dans son parc (ce que relatait à l’époque la presse marocaine). La polémique est vite ­retombée mais Label’Vie, de fait, colle mal avec le profil du gérant indépendant, ancré dans son territoire, tant vanté par Carrefour. 

> Le groupe ND (Normandie Distribution), de même, est encore peu connu. Il est piloté par un tandem d’entrepreneurs dont l’un des deux, au moins, dispose en revanche d’une certaine notoriété dans la profession : Jean-Baptiste Montes et Guillaume Halley. Le second, membre de la famille fondatrice de Promodès, exploite lui-même en franchise, directement, cinq magasins sur Bordeaux : trois Market, un Bio c’ Bon et l’hyper Carrefour de Lormont, qu’il vient de reprendre. Avec son associé dans le groupe ND, il tient aussi les rênes de quatre Carrefour (voir carte) ainsi que sept Market implantés en ­Normandie et dans l’Essonne, en franchise ou en location-gérance. 
D’autres opérateurs méritent également d’être cités pour le coup d’accélérateur que le distributeur leur apporte. Le Breton Bernard Guillerm (groupe Pont de Bois), franchisé Carrefour depuis 2015 (deux hypers, un Market, un Contact), qui a repris Rennes-Alma en location-gérance en 2022 et fait de même cette année à Guingamp. Ou encore Nicolas Natrix, avec pas moins de quatre hypers en location-gérance acquis en l’espace de quatre ans.