Thierry Cotillard est le premier des patrons de la distribution à formaliser une série de nouveaux engagements en faveur de l’agriculture française. Indispensable, alors que les manifestations annoncées pour la mi-novembre font craindre de nouveaux coups de sang en magasins.
Au programme des Mousquetaires, donc : plus de contractualisation dans les filières, des références supplémentaires sous MDD “solidaire” (Les Éleveurs vous disent Merci et, c’est nouveau, trois vins rouges Expert Club), une meilleure mise en avant de l’origine française des produits frais traditionnels (avec une signature Intermarché Terroir) et davantage d’approvisionnements locaux.
S’y ajoute un acte symbolique, la disparition des fraises et des cerises en rayon de décembre à janvier. Histoire de mesurer à peu de frais la réaction des clients, avant éventuellement de bannir d’autres offres de contre-saison.
L’idée de renoncer aux fraises en janvier avait déjà été lancée, en 2021, par un éphémère patron des produits frais chez Carrefour. Qui s’était vite fait rabrouer par sa hiérarchie…
Je peux déjà vous dire, sans être grand clerc, que ces nouvelles mesures des Mousquetaires seront insuffisantes pour sauver la Ferme France. Il ne peut guère en être autrement, d’abord parce que la grande distribution n’a directement la main que sur une petite partie des débouchés des agriculteurs.
Les prix qu’elle peut négocier elle-même pour le lait, par exemple, ne représentent selon la FCD que 10 % des revenus des éleveurs français (via les MDD). Le reste provient des industriels pour les marques nationales, de la restauration, de l’export, des subventions, etc.
Sur le bœuf, de la même façon, la viande que la grande distribution achète pour ses rayons boucherie ou indirectement pour ses MDD ne pèse jamais que 13 % des revenus des producteurs.
Les GMS, en outre, font déjà beaucoup pour l’origine France sur leur champ d’intervention. 80 ou 90 % de la viande vendue en magasin est hexagonale. C’est aussi le cas pour 7 fruits et légumes sur 10. Les enseignes privilégient également l’approvisionnement national pour leurs produits laitiers MDD (là, c’est la matière première qui fait parfois défaut).
Bref, Thierry Cotillard sait qu’il doit occuper le terrain mais il sait aussi, comme tous ses homologues, qu’il n’a pas grand-chose à offrir au-delà de ce qu’il fait déjà (et plutôt bien).
Il profite de l’occasion, ce serait dommage de s’en priver, pour tacler le manque de transparence des industriels. Et il rappelle qu’il est aligné avec Arnaud Rousseau, l’actuel président de la FNSEA, sur l’idée d’une négociation des prix en marche avant (agriculteurs-industriels d’abord, industriels-distributeurs ensuite, sur la base des prix fixés à l’étape 1). C’est toujours bon, avant une manif, de souligner une convergence avec la FNSEA…
Mais mettre la pression sur les industriels ne changera pas non plus la face du monde agricole. Pour rester sur les exemples des filières lait et bœuf, les marques nationales ne pèsent en effet respectivement que pour 15 % et 10 % des revenus des éleveurs.
Il ne reste plus qu’à attendre, maintenant, la fin de semaine prochaine. Et on verra qui les agriculteurs choisiront comme bouc émissaire. Des grandes surfaces, très probablement. Mais peut-être pas trop celles d’Intermarché ?