C’est Thierry Cotillard, Mousquetaire-en-chef, qui a dégainé le premier via son compte Linkedin. C’était la semaine dernière et le message simple et percutant : “Aux industriels laitiers : aucune négociation commerciale tant qu’aucun accord avec vos producteurs ne sera conclu“. En clair (parce qu’il fallait évidemment lire entre les lignes) : fixez le prix du lait avant de nous prendre comme prétexte pour ne pas aider vos éleveurs. Et ça a fonctionné. Deux jours plus tard, Thierry Cotillard chroniquait l’accord entre Lactalis et ses producteurs, histoire de rappeler (en creux) le rôle qu’il avait joué.
Hier, c’est Alexandre Bompard pour Carrefour et Michel-Édouard Leclerc qui sont montés au front. Là encore, via son compte Linkedin, le premier s’est engagé : “Par solidarité avec le monde agricole, Carrefour prend l’engagement de ne commercialiser aucune viande en provenance du Mercosur“, écrit Alexandre Bompard aux syndicalistes agricoles. Une décision pas neutre… Carrefour est très implanté en Amérique du Sud (Brésil et Argentine) et suis pas certain que les patrons Carrefour de ces pays aient sauté de joie à l’annonce du boss (parce que leur relation avec les autorités locales n’en profiteront pas / euphémisme). Plus tard dans la journée, MEL qui déboule, toujours via les réseaux sociaux. Casquette vissée sur la tête et balles de paille en arrière plan, Michel-Édouard Leclerc signe un accord tripartite (coucou Lidl 😉 ) avec Laiterie St Denis de l’Hôtel, Andros et 700 éleveurs. Au passage, tous accords confondus, MEL rappelle avoir contractualisé pour 300 millions de litres de lait, soit “le plus fort engagement de la distribution française… et peut-être même à l’échelle européenne !“.
Toutes les enseignes redoutent en effet les débordements de la crise agricole qui couve tout autant qu’elles prennent plus que jamais conscience de leurs responsabilités. Et une véritable course à l’échalote est lancée. Pas question de les en blâmer, je ne serais pas cohérent avec cet “appel” d’il y a quelques semaines (revoir ici). Et, au risque du cynisme, cette course est salutaire. D’abord parce qu’elle engage ceux qui s’y lancent (les consommateurs seront encore plus à l’aise pour interpeller Alexandre Bompard sur l’origine du bœuf des lasagnes vendues chez Carrefour, et pas uniquement les MDD évidemment parce que la ficelle serait trop grosse…). Ensuite, parce qu’elle va mettre deux autres parties prenantes devant leurs responsabilités dans la crise agricole structurelle que la Ferme France traverse depuis 20 ans. L’État, évidemment, car il est garant des “règles du jeu”. Et les autres formes de distribution alimentaire (la restauration au premier chef) que les grands chefs à plumes agricoles aidés de quelques “penseurs” oublient trop souvent de mettre en cause dans la montagne d’importations qui envahit la France. Il est en effet tellement plus facile de se payer MEL, Bompard ou Cotillard qu’un obscur (et inconnu) patron de la restauration commerciale ou collective.
Bref, vive les coups de comm’ et la course à l’échalote.