
Dernier jour (ce lundi) pour le Salon de la Franchise à Paris. L’espace de trois jours, le parc des expositions est le lieu de toutes les promesses. A des entrepreneurs (plus ou moins aguerris), des franchiseurs (plus ou moins sincères) promettent la lune. Business-plan flatteur, perspective de capitalisation (le terme pudique pour la “fortune”), rien ne manque. Et quand les résultats ne pas sont au rendez-vous, forcément ça coince. Mais, forcément aussi, on entend bien davantage les trains retardés que les autres.
Actuellement, “le sujet”, c’est Carrefour. Depuis la révélation du projet X (relire ici pour comprendre pourquoi et comment des franchisés organisent un approvisionnement parallèle), le dossier est revenu en haut de la pile, jusqu’au JT de France 2 samedi. L’occasion d’une pédagogie du conflit.
Déjà – et Carrefour ne me missionne en rien pour l’affirmer –, le conflit n’est pas général. Parce que je passe ma vie en balade (commerciale), je rencontre nombre de franchisés pour lesquels le niveau de récriminations est “ordinaire” (après tout qu’un franchisé adresse des reproches à son franchiseur est banal). Mais si le conflit n’est pas général, il n’en reste pas moins important. Et quelle que soit la réalité des chiffres (la police ou les organisateurs, hein !), Carrefour a un dossier à traiter. Surtout que la justice s’en mêle avec comme prochaine perspective un jugement début juin…
Pour faire simple, il y a trois sujets. Les contrats qui unissent Carrefour et ses franchisés de proximité ; l’expansion des enseignes lorsqu’elle se fait au détriment des franchisés en place ; les prix de cession (ce que facturent les entrepôts aux magasins).
1/ Les contrats
Les relations contractuelles cristallisent une part non négligeable des reproches des franchisés vs Carrefour, lesquels se considèrent comme “ficelés”. Reproche entendable. Fréquemment, Carrefour détient 26 % de la société d’exploitation des magasins. Ce qui, de fait, lui octroie un pouvoir réel sur la décision d’aller éventuellement voir ailleurs ;-). Pour autant, Carrefour est-il un franchiseur extra-ordinaire au sens premier du terme ? La question est objectivement impossible à trancher. Je connais des franchises plus directives (euphémisme). Allez faire un tour du côté de Mc Do pour appréhender la liberté de l’entrepreneur local, jusqu’à la température du bain d’huile des frites…
2/ L’expansion géographique

Un grand classique de la franchise… Le franchiseur veut mailler un territoire, le franchisé préserver le sien. Et le second de dénoncer généralement le cannibalisme géographique du premier. Là aussi, c’est entendable et j’ai parfois du mal à ne pas voir le cannibalisme… Exemple hier à Toulouse (carte ci-dessus). Un ex Petit-Casino va prochainement prendre l’enseigne Carrefour Express (il est déjà approvisionné par Carrefour). Moins de 200 mètres le sépare d’un autre Carrefour Express, déjà installé. Lui même à 500 m d’un Carrefour Market. Je serais le franchisé de l’Express, je l’aurais mauvaise. J’imagine bien qu’il l’a (mauvaise). Les mauvaises langues reprocheront au franchiseur de voir avant tout le CA cumulé des deux Express avant de considérer la rentabilité du premier. Dans l’exemple, Carrefour y gagnera forcément et prêtera logiquement le flanc à la critique. Voilà pourquoi une politique un brin plus protectrice pour les franchisés en place pourrait éviter une part des critiques actuelles et déminer certains mécontentements. Je ne suis ni Alexandre Bompard, ni Alexandre de Palmas, ni Benoît Soury mais, à leur place, j’y songerais sérieusement.
3/ Les prix
Troisième grief. Les prix de cession du franchiseur au franchisé. Là aussi, du très classique. Parce que l’un (le franchiseur) fait par principe son beurre sur le dos de l’autre (le franchisé). Le plus dur étant de trouver l’équilibre ! Mais comme le résultat de Carrefour en France est (très) majoritairement le fait de la proxi, Carrefour ne peut y renoncer sans se mettre en danger, en tous les cas dans sa communication financière.
Factuellement, les PVC des enseignes Carrefour proximité sont élevés. Indices 112 pour Contact, 118 pour City et 128 pour Express (plus haut que Franprix) selon l’étude DISTRI PRIX. Soit de 20 à 35 % au-dessus de la tête de la course. Ce qui signifie en creux que, sur certains produits, un franchisé Carrefour pourrait mieux acheter en client chez Leclerc que sur les entrepôts Carrefour.
Là encore, retour à Toulouse. Un simple “tour en magasin” chez Express et Market suffit à s’en convaincre. Express est déphasé. Ce qui donne crédit aux récriminations des franchisés.



Pédagogie du conflit expliquée par Olivier. C’est complet, on a même le plan du quartier (je le dis sérieusement, je précise)
En tant que pédagogue, Olivier veut éviter tout conflit et est obligé de préciser “et Carrefour ne me missionne en rien pour l’affirmer”. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon, le Syndrome de Sylvie. Notre éducateur nous propose même d’aller voir ailleurs pour comparer: “Allez faire un tour du côté de Mc Do pour appréhender la liberté de l’entrepreneur local, jusqu’à la température du bain d’huile des frites…”
J’en reviens et j’ai posé la question. Voici, texto, ce qu’ils m’ont répondu: “Frites et Coca?”. J’ai redemandé, pugnace que je suis; “Dépêche, y a du monde derrière-toi!”. J’ai insisté; “S’il est pas content, y a une borne là bas” Je précise que personne ne m’a missionné pour cette enquête! Bon, pendant tout ce temps, mes frites ont plus que refroidi! Je ne recommencerai plus, chat échaudé craint l’huile froide
A Toulouse c’est l’hécatombe des Casino Shop au profit de Carrefour. A plusieurs endroits, on trouve désormais 2 voire 3 Carrefour dans un rayon de 300m. Carrefour y est proche du monopole. Que fait l’autorité de la concurrence ?
Je me souviens que près de Tours, une franchisé Vival achetait régulièrement des produits chez Géant et Leclerc car elle pouvait les revendre moins cher que ce qu’elle les aurait achetés à la centrale de Casino.
Moi qui ne pensait qu’il y avait que Casino pour faire ça, quand je vois le nombre de supérettes carrefour qui se sont installées à Tours ces trois dernières années…
Un peu incomplet votre analyse, vous ne parlez pas des magasins mis en location gérance, notamment les hypermarchés qui sont obliger de vendre plus cher leurs PDT suite aux hausses de leurs prix de cession depuis leur passage en location gérance !
Et concernant les conditions pour un franchisés Carrefour de partir à la concurrence et bien oui carrefour est “extra-ordinaire au sens premier du terme” .on voit très rarement un franchisé carrouf pouvoir passer a la concurrence, en revanche des U, des inters par exemple cela est beaucoup plus courant, lors de la bonne époque de Casino ils en récupéraient fréquemment, en revanche jamais de carrefour car ils étaient poids et poings liés avec leur franchiseur !
C’est précisément parce que le sujet était les franchisés (c’est dans le titre en gros) que je ne parle pas des locataires-gérants 😉