Tribunes

Tribune n°17 (Nov. 2005)

Numéro 17 – Novembre 2005

Titre

ALORS QUE LES EFFECTIFS EN HYPERS ET SUPERS ONT BAISSE EN 2004

La “sauce hollandaise” :  bonne ou mauvaise recette ?

Le bilan définitif de l’emploi en hypers et supers en 2004 a été publié la semaine dernière. Résultat : un peu plus de 2 000 emplois ont été détruits l’an dernier. “Le scénario néerlandais” se rapproche entend-on déjà. Et si la sauce hollandaise à laquelle les enseignes pourraient être accomodées n’était pas une si mauvaise recette…

C’est une première dans l’histoire du commerce français : en 2004, les hypers et les supers ont détruit des emplois. Environ 2 000 sur un total de quelque 500 000. Certes, l’évolution est modeste : – 0,4 %. Mais c’est une première ! Et, logiquement, les esprits s’échauffent… “Le scénario néerlandais prend corps en France” pour les uns ; “On vous l’avait bien dit” pour les autres. Les commentaires vont bon train, généralement dans la même direction. En clair, dans une défense aussi vaine que désespérée du modèle économique qui a guidé les enseignes sous l’ère Galland, autrement dit : élévation des marges = embourgeoisement des concepts et accroissement des effectifs, notamment non productifs.
Aussi, la sauce hollandaise à laquelle marques et enseignes pourraient être accomodées dans les mois qui viennent n’est peut-être pas une si mauvaise recette pour la cure d’amaigrissement qui s’impose. Car tel est l’enjeu qui se présente à la filière grande conso : retrouver la ligne pour séduire à nouveau un consommateur manifestement tenté d’aller voir ailleurs. Et que ceux qui doutent encore de la réalité du problème se penchent      sur les évolutions des ventes en hypers et supers, et ce, catégorie par catégorie.
La “remise en ligne” des effectifs (terme pudique, synonyme de “dégraisser”) n’est donc pas une mauvaise nouvelle, au-delà évidemment des situations personnelles qui peuvent en découler. Car tous les excès se paient. A avoir trop embauché pour remplir de nouvelles fonctions pas toujours productives, les enseignes ajustent aujourd’hui le tir. C’est d’ailleurs en hypers que le mouvement a été le plus net :  2 500 salariés en moins (soit – 0,8 %) alors que, dans le même  temps, les surfaces progressaient de 4 %. C’est donc la preuve, a posteriori, qu’il était possible de faire “plus” avec “moins”. Sous-entendu : qu’une part des effectifs n’était pas indispensables. Nul doute que 2005 (dont les données ne seront disponibles qu’en octobre 2006) confirmera l’inflexion de 2004.
Approche ultra-libérale railleront évidemment les bonnes consciences. Que nenni. Car, en réalité, le consommateur est en la matière bien pire que le commentateur… Faudrait-il être grand naïf pour ne pas voir dans la formidable ascencion du hard-discount ces dix dernières années un mouvement plus brutal encore. Lidl, Aldi, Ed et consorts sont en effet sensiblement plus productifs  en termes de coût de personnel que Carrefour, Auchan ou Leclerc : pour faire simple, dans un cas 5 % du CA est consacré aux salaires et charges, 10 % dans l’autre. Autrement dit, quand le hard-discount gagne un point de part de marché par an (ce qui correspond quasiment à sa moyenne historique), il détruit l’équivalent de 6 000 emplois, uniquement en magasins. Ce à quoi s’ajoutent (ou se retranchent…) les emplois industriels, la part des produits alimentaires importés étant supérieure dans le hard-discount que dans les hypers/supers.
C’est donc dans cet esprit que l’inflexion observée en 2004 en matière d’effectifs salariés dans la distribution n’est pas nécessairement la mauvaise nouvelle annoncée. Qu’elles le veuillent ou non, les enseignes devront passer par cette cure d’austérité (qui ira d’ailleurs bien au-delà de la simple variable du personnel). L’idée qu’elles l’aient anticipé dès 2004 laisserait plutôt à penser qu’elles ont pris la mesure du problème. Et, c’est bien connu, problème bien posé est souvent à moitié résolu.

O. DAUVERS

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