Tribunes

Tribune n°58 (juillet 2008)

Rumeur de mouvement à la tête de Carrefour

Il faut sauver le soldat Duran !

LES FAITS. A moins d’une semaine de l’Assemblée générale extraordinaire de Carrefour qui doit entériner le changement de statut du groupe, de nombreuses indiscrétions font état d’un remplacement de José Luis Duran par Thierry Breton, sous la pression du premier actionnaire, Blue Capital.

Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on. Et encore moins en matière financière… Aussi, José Luis Duran, le patron de Carrefour, ne peut-il que prendre au sérieux les bruits du marigot boursier qui lui promettent quelques vacances forcées dès lundi prochain, date de l’Assemblée générale extraordinaire du groupe, destinée à en modifier les statuts. Son éventuel successeur ? Déjà annoncé : Thierry Breton, ancien ministre de l’Economie et au préalable patron de France Télécom. Une honorable entreprise qui n’a eu de cesse, des années durant, de vendre au prix fort des minutes de communication téléphonique, au besoin en s’entichant du soutien confraternel de ses concurrents, SFR et Bouygues Télécom. Bref, “l’anti chantre” du discount avec lequel les difficultés récentes de Carrefour ne pourraient finalement s’avérer que d’aimables mises en bouche d’une crise plus profonde encore.  D’où l’opération qui s’impose : sauver le soldat Duran et, plus généralement, Carrefour, accessoirement numéro 1 français et numéro 2 mondial du commerce.

Le poids des marchands…
Pourquoi sauver Carrefour ? Parce que n’en déplaise aux procureurs du “grand” commerce, un pays trouvera toujours intérêt à compter dans son
patrimoine de solides marchands. L’Histoire démontre à quel point
des peuples démographiquement modestes (en l’occurrence les Hollandais) ont pu trouver dans leurs marchands de solides vecteurs de leur rayonnement. Le présent le rappelle : la distribution est par principe le premier débouché de l’industrie agro-alimentaire. Et le futur l’imposera : Carrefour, Leclerc ou Auchan auront toujours plus de scrupules que Wal-Mart ou Tesco pour préserver, même a minima, les intérêts Français.

Pourquoi sauver le soldat Duran ? Parce qu’il est aujourd’hui le seul (et en tous les cas bien davantage que l’impétrant annoncé, Thierry Breton) à pouvoir éventuellement contenir la gestion ultra-financiarisée de Carrefour.Oh ! certes, à court terme, les vues prêtées au tandem d’actionnaires, Colony Capital et Groupe Arnault, ne sont pas dénuées d’intérêts. Démanteler Carrefour peut même faire sens. Les seules cessions de l’immobilier, du hard-discount et des activités chinoises et brésiliennesrapporteraient pas loin de la valeur boursière globale du groupe. Mais à long terme, un tel démantèlement signerait la disparition de Carrefour dont le salut ne passera que par le retour à une véritable et durable gestion commerciale. En la matière, c’est vrai, José Luis Duran n’est pas exempt de tout reproche. Début 2007, justifiant un terrible dernier trimestre 2006, “JLD” disait avoir payé pour valider que “prix bas et promotions font le modèle de l’hyper”. A quelques mots près, l’explication était identique il y a dix jours lorsqu’il s’agissait de commenter les performances du premier semestre. Entre-temps, Carrefour avait remis puis relâché la pression.
Inconstance donc. Inconstance toujours avec la mesure “numéro 1” du plan pouvoir d’achat qui attend toujours (depuis la mi-avril) la mesure numéro 2 ! Des inconstances dont, avec quelques mois de recul, il est aisé d’imaginer qu’elles se nourrissent de la crainte de l’actionnaire que promotions et prix bas ne finissent par être trop coûteux. Alors qu’il s’agit à l’inverse de l’alpha et l’oméga du commerce. Mieux que Colony Capital et Groupe Arnault, José Luis Duran le sait. Voilà au moins une raison de sauver le soldat Duran. Pour sauver Carrefour.

O. DAUVERS

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